Le président Recep Tayyip Erdogan a annoncé mardi que la Turquie boycotterait les appareils électroniques américains, poursuivant une escalade des tensions avec les États-Unis et mettant au supplice la livre turque qui semblait toutefois se stabiliser.

«Nous allons appliquer un boycott contre les produits électroniques américains», a lancé M. Erdogan au cours d'un discours virulent à Ankara. «S'ils ont des iPhone, il y a des Samsung de l'autre côté», a-t-il ajouté.

Ces déclarations surviennent alors que Washington et Ankara traversent une crise diplomatique ayant conduit ces deux alliés au sein de l'OTAN à s'imposer des sanctions réciproques en août.

Ces tensions, ainsi que la mainmise croissante de M. Erdogan sur l'économie turque, ont provoqué ces derniers jours un effondrement de la livre qui a suscité l'inquiétude sur les places boursières européennes et asiatiques redoutant un effet contagieux.

Mais la devise turque, qui a perdu 16% de sa valeur face au dollar vendredi et quelque 8% lundi, reprenait des couleurs mardi. À 10h00, 6,54 livres s'échangeaient contre un dollar, soit un gain de 5% sur la journée.

Le chef de l'État turc, connu pour son style pugnace, a mis cette crise monétaire sur le compte d'un «complot» ourdi à Washington.

La Turquie «est la cible d'une agression économique», a assuré mardi M. Erdogan, appelant ses concitoyens à délaisser l'iPhone, appareil téléphonique phare de la marque américaine Apple, pour la marque turque Vestel.

Les produits Apple sont très utilisés en Turquie, y compris par M. Erdogan lui-même: lors de la tentative de coup d'État de juillet 2016, il avait lancé un appel à ses partisans via FaceTime, une fonction développée par Apple.

«Chaos» 

L'appel au boycott de M. Erdogan a provoqué des réactions mitigées sur les réseaux sociaux, où de nombreux internautes soulignaient qu'avec la chute de la livre, la plupart des Turcs n'auront de toute façon plus les moyens de se procurer un iPhone.

La Maison-Blanche n'a pas répondu directement aux menaces du président turc, ni aux possibles représailles.

«Le président ressent beaucoup de frustration du fait que le pasteur ne soit pas libéré», a simplement déclaré Sarah Huckabee Sanders, porte-parole de la Maison-Blanche.

Car les turbulences entre la Turquie et les États-Unis se sont renforcées au cours des derniers mois avant de virer à l'orage en juillet à cause de la détention en Turquie du pasteur américain Andrew Brunson.

Ce dernier est accusé par Ankara d'espionnage et d'activités «terroristes», ce qu'il nie en bloc. Après plus d'un an et demi d'incarcération, il a été placé en juillet en résidence surveillée.

Le chargé d'affaires américain en Turquie Jeffrey Hovenier a rendu visite mardi au pasteur Brunson et a appelé à sa libération «sans délai».

Et l'avocat turc du pasteur a indiqué mardi qu'il avait à nouveau fait appel de l'assignation à résidence de son client.

En dépit des tensions, la Turquie et les États-Unis maintiennent leurs contacts. Lundi, l'ambassadeur de Turquie à Washington a rencontré le conseiller à la sécurité nationale de Donald Trump, John Bolton.

«Il lui a transmis le message suivant: les pressions, les menaces, ne causeront que du chaos dans les relations avec la Turquie», a déclaré le chef de la diplomatie turque Mevlüt Cavusoglu.

«Raser la barbe» 

Cette montée des tensions est l'un des principaux facteurs ayant provoqué l'effondrement de la livre ces derniers jours. La devise turque a perdu plus de 40% de sa valeur depuis le début de l'année.

Face à cette débâcle et pendant que M. Erdogan croise le fer avec Washington, les autorités turques s'efforcent d'apaiser les marchés.

Lundi, la banque centrale turque a annoncé une facilitation des liquidités pour les banques et promis de prendre les «mesures nécessaires» pour assurer la stabilité.

Le ministre des Finances Berat Albayrak, qui est le gendre de M. Erdogan, a affirmé mardi qu'Ankara continuerait de «protéger la livre».

Dénonçant lui aussi une «attaque» contre la devise turque, il a déclaré: «En essayant de nous raser la barbe, ils ne feront que perdre leurs bras».

M. Albayrak doit s'entretenir avec plusieurs centaines d'investisseurs étrangers jeudi par téléconférence, selon la chaîne d'information NTV.