Plusieurs fleurons industriels européens commencent à perdre patience face au manque de progrès des négociations sur le Brexit et menacent désormais de quitter le Royaume-Uni, mettant en péril des dizaines de milliers d'emplois.

À neuf mois du divorce entre Londres et Bruxelles, prévu fin mars 2019, les signaux d'alarme se multiplient de la part d'entreprises qui ont investi des milliards de livres dans l'économie britannique, à l'image de BMW, Airbus ou encore Siemens.

Face à des discussions sur un futur accord commercial qui patinent et le risque de n'aboutir à aucun accord du tout comme le revendique le gouvernement conservateur de Theresa May comme arme de négociation, ces groupes ont décidé d'élever la voix.

«Les entreprises commencent à se faire entendre, car nous sommes à un moment crucial où des décisions doivent être prises» concernant les investissements, souligne Keith Pilbeam, professeur d'économie internationale à la City University de Londres.

«L'échéance approche et nombreux sont ceux qui pensent que le manque de préparation du gouvernement est ahurissant», ajoute-t-il, interrogé par l'AFP.

Investissements en berne

Jürgen Maier, chef de la branche britannique du géant industriel allemand Siemens, a réclamé un «minimum de friction» pour les futures relations commerciales avec l'UE.

Le géant de l'aéronautique Airbus, fort de près de 15 000 emplois au Royaume-Uni, a, lui, tout simplement prévenu la semaine dernière que l'absence d'accord le forcerait à reconsidérer ses investissements, voire à purement et simplement faire ses valises.

Les dégâts commencent à être visibles en particulier dans le secteur automobile, comme l'ont montré des chiffres dévoilés mardi par le secteur britannique montrant que les investissements avaient diminué de moitié au premier semestre, précisément en raison des incertitudes du Brexit.

Les constructeurs automobiles implantés dans le pays sont particulièrement dépendants du reste de l'Europe et tout dysfonctionnement de la chaîne d'approvisionnement, comme un passage en douanes, leur est préjudiciable. Quelque 1100 camions livrent des pièces automobiles chaque jour au Royaume-Uni en provenance du continent.

«Si notre chaîne d'approvisionnement doit s'arrêter à la frontière, alors nous ne pouvons pas continuer à produire au Royaume-Uni», a mis en garde Stephan Freismuth, responsable des douanes chez l'allemand BMW, lundi dans le Financial Times.

Le groupe, qui emploie 8000 personnes dans le pays sur quatre sites différents, a toutefois tempéré les propos de son dirigeant, affirmant dans un communiqué rester «engagé» au Royaume-Uni, tout en insistant sur le fait que l'incertitude du Brexit «n'aide pas quand il s'agit de prendre des décisions de long terme».

Le Japon, qui par le biais de groupes comme Honda, Nissan et Toyota a contribué à relancer l'industrie automobile britannique ces dernières années, a déjà fait part de son appréhension et de l'impact de la mise en place de contrôle douanier sur l'investissement.

Langage fleuri

L'industrie automobile emploie directement 162 000 personnes au Royaume-Uni, selon des chiffres de 2016, et représente 8% de la production manufacturière du pays.

La principale organisation patronale CBI a prévenu mi-juin que le Brexit menaçait d'extinction ce secteur si Mme May persiste à vouloir sortir de l'union douanière avec l'UE.

Les menaces de ces grands groupes n'ont pas été du goût de certains ministres du gouvernement, qui défendent un divorce sans concession avec l'UE.

Le ministre de la Santé, Jeremy Hunt, les a jugées au cours du week-end «complètement inappropriées». De son côté, le ministre des Affaires étrangères, Boris Johnson, aurait utilisé un langage fleuri pour les désigner lors d'une réception la semaine dernière, selon la presse britannique.

Devant le Parlement mardi, M. Johnson a expliqué avoir voulu s'en prendre aux lobbies défendant les entreprises, et pas à ces dernières directement.

Quant à Theresa May, elle a assuré être à l'écoute des milieux d'affaires et rappelé que son gouvernement allait publier le mois prochain son «livre blanc», dévoilant ses attentes quant à la future relation avec l'UE.