Avant l'intervention vendredi de Donald Trump à Davos en Suisse, les États-Unis sont passés des paroles aux actes pour protéger le marché américain du flot de produits importés à l'instar des panneaux solaires en provenance de Chine.

En signant mardi les documents imposant ces droits de sauvegarde et d'autres sur les machines à laver importées, le président américain a assuré qu'il entendait «faire respecter le principe d'un commerce équitable et démontrer au monde que les États-Unis ne se laisseraient plus faire».

L'administration américaine prépare aussi tout un arsenal de mesures protectionnistes pour les secteurs stratégiques de l'acier et de l'aluminium ainsi que pour protéger la propriété intellectuelle.

«Nous sommes dans une période particulièrement dangereuse. C'est une escalade continue de l'administration Trump», estime Edward Alden, expert au Council of Foreign Relations, soulignant que le message des États-Unis est «clair» : «ils sont prêts à utiliser tous les outils à leur disposition pour protéger le marché américain d'une concurrence jugée déloyale».

La décision lundi d'imposer des «droits de sauvegarde» sur des panneaux solaires importés de Chine ainsi que sur les grandes machines à laver fabriquées en Chine, en Corée du Sud, au Mexique, en Thaïlande et au Vietnam est perçue comme la plus importante depuis celle, début 2017, de sortir de l'accord commercial de libre-échange Asie-Pacifique (TPP).

Peu après son élection à la Maison-Blanche, Donald Trump avait abandonné abruptement ce traité dans le cadre de sa politique protectionniste visant à sauver des emplois américains menacés selon lui par le libre-échange. Il a aussi imposé la renégociation du traité de libre-échange nord-américain (Aléna) dont la 6e session de négociations s'est ouverte mardi à Montréal.

Pour autant, au cours de la première année d'administration Trump, «il y a eu beaucoup de discours mais pas beaucoup d'actes, au moins sur le commerce», observe Scott Miller, expert au centre d'études internationales et stratégiques (CSIS).

Usines aux États-Unis

Il qualifie les décisions prises lundi «de pur protectionnisme» car les panneaux solaires ou les machines à laver importés cause un réel préjudice aux entreprises américaines.

Cette décision «est une incitation forte pour que (les entreprises) LG et Samsung respectent leurs promesses de construire de grandes usines pour les machines à laver, ici aux États-Unis», a réagi Donald Trump.

«Pour être honnête, l'impact économique de la décision (de lundi) est assez modeste», reprend néanmoins Edward Alden, observant que l'administration a suivi les préconisations de la Commission internationale du commerce américaine (USITC) qui a jugé recevable la plainte de deux entrepreneurs américains en faillite, sans toutefois s'aligner sur les exigences des plaignants.

Pour autant, «sur le plan symbolique, c'est très important», estime-t-il.

«Cela signale au monde entier que cette administration est préparée à jouer un rôle bien plus important sur le commerce», dit-il.

Monica de Bolle experte au Peterson Institute for International Economics (PIIE) ajoute que les mesures sur l'aluminium et l'acier pourraient être dévoilées très prochainement, les enquêtes étant déjà bouclées.

Sous le feu des projecteurs 

Elle souligne que l'on peut s'attendre à tout dans le discours que prononcera le président américain au forum économique mondial de Davos. «Dans quelle mesure il optera pour la voie agressive ou diplomatique, il faut patienter dans la mesure où Trump est imprévisible», souligne Monica de Bolle.

La décision de lundi «donne de manière évidente à Trump l'opportunité d'être sous le feu des projecteurs à Davos» et de donner la réplique à son homologue chinois Xi Jinping, qui l'an passé, à ce même forum, avait créé la surprise en se positionnant comme l'apôtre du libre-échange.

Dans un discours historique, le dirigeant chinois s'était fait le pourfendeur du protectionnisme de Donald Trump.

En dévoilant lundi des prévisions de croissance économique plus optimistes pour 2018 et 2019, le Fonds monétaire international (FMI) a mis en garde contre des mesures de protectionnisme qui pourrait compromettre l'expansion.

«Quand on fait de la sécurité nationale la justification des décisions commerciales, on incite les autres (pays) à faire de même et c'est la porte ouverte au protectionnisme», a de son côté prévenu Scott Miller.

Pour l'heure, la Chine n'a pas choisi la confrontation, note Monica de Bolle.

Le ministère chinois du Commerce a simplement averti «qu'avec d'autres membres de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), la Chine allait défendre résolument ses intérêts légitimes», sans préciser les actions envisagées.

De son côté, le ministère sud-coréen du Commerce a annoncé son intention de déposer une requête auprès de l'OMC, selon l'agence de presse Yonhap.