L'un défend « L'Amérique d'abord », l'autre la vague « irréversible » de la mondialisation : Donald Trump et Xi Jinping ont livré vendredi au Vietnam deux visions singulièrement différentes de l'avenir des échanges commerciaux.

Dans la ville côtière de Danang, au Vietnam, qui accueille le forum de l'Asie-Pacifique (APEC), le président américain et son homologue chinois, à la tête des deux premières économies de la planète, ont, à quelques minutes d'intervalle, marqué leurs différences.

Dénonçant « les abus commerciaux chroniques » que les États-Unis ne peuvent plus « tolérer », vouant aux gémonies les accords multilatéraux qui « lient les mains » de son pays, M. Trump a livré un discours à la tonalité résolument isolationniste.

« Je mettrai toujours l'Amérique d'abord de la même manière que j'espère que vous tous dans cette pièce donnerez la priorité à vos pays respectifs », a-t-il lancé, reprenant une formule déjà utilisée à la tribune des Nations unies en septembre.

Dans un contraste saisissant, Xi Jinping, qui vient de cimenter encore un peu plus son pouvoir à la faveur du dernier Congrès du parti communiste, s'est posé un grand défenseur de la mondialisation.

Les échanges doivent être repensés pour être « plus ouverts, plus équilibrés, plus équitables et bénéfiques pour tous », a-t-il expliqué.

« Nous devrions soutenir le libre-échange et pratiquer un régionalisme ouvert pour permettre aux pays en développement de tirer davantage profit du commerce et des investissements internationaux », a-t-il poursuivi.

Dans un tempo savamment dosé, la Chine a annoncé vendredi son intention d'élargir l'accès des entreprises étrangères à son secteur financier, mettant fin à des restrictions vivement critiquées par les partenaires de Pékin.

Les dirigeants de la région avaient hâte d'entendre les deux chefs d'État et notamment le président américain, qui avait provoqué un choc en Asie-Pacifique en décidant du retrait abrupt de son pays de l'accord de libre-échange Asie-Pacifique (TPP), trois jours après son entrée à la Maison-Blanche.

Face à ces derniers, Donald Trump a défendu bec et ongle sa décision, martelant que l'Amérique ne signerait plus de « grands accords » qui obligent l'Amérique « à renoncer à sa souveraineté ».

Vu comme un contrepoids à l'influence grandissante de la Chine, ce traité, dont Barack Obama était l'un des principaux architectes, avait été signé en 2015 après d'âpres négociations par 12 pays d'Asie-Pacifique représentant 40 % de l'économie mondiale.

« Leadership mondial »

Emmenés par le Japon, les ministres de l'Économie des 11 pays restants mènent depuis jeudi de grandes négociations, espérant conclure un nouveau TPP sans Washington.

Mais les tractations n'ont pour l'instant pas abouti, le retrait des États-Unis, poids considérable, obligeant les pays à rebattre toutes les cartes.

Dans une tribune publiée dans le New York Times, Tony Blinken, numéro deux de la diplomatie américaine sous Barack Obama, déplorait que Trump « cède le leadership mondial à la Chine ».

« Pendant que M. Trump fuit le multilatéralisme et la gouvernance mondiale, M. Xi s'en saisit chaque jour un peu plus », regrettait-il.

Au-delà des dossiers économiques, le président américain a appelé la région Asie-Pacifique à l'unité sur le dossier nord-coréen, priorité absolue de sa longue tournée asiatique qui s'achèvera en début de semaine prochaine aux Philippines.

« L'avenir de cette région et de ses merveilleux habitants ne peut être pris en otage par les fantasmes de conquête violente d'un dictateur et par le chantage nucléaire », a-t-il déclaré.

La confusion dominait sur l'un des événements les plus attendus de ce sommet de Danang : le face-à-face entre Donald Trump et Vladimir Poutine.

Les interactions entre le locataire de la Maison-Blanche et l'homme fort du Kremlin sont scrutées à la loupe en raison notamment de l'enquête sur l'ingérence russe dans la présidentielle américaine.

Si l'exécutif américain a assuré qu'il n'y aurait pas de rencontre formelle en raison de problèmes d'agenda, Moscou a assuré qu'un échange entre les deux hommes aurait bien lieu en marge du sommet.

La Maison-Blanche faisait en tout cas son possible pour minimiser cette éventuelle rencontre. « Vont-ils se croiser à un moment et se saluer ? C'est tout à fait possible », a déclaré Sarah Sanders, porte-parole de M. Trump, à bord d'Air Force One.

Le procureur spécial Robert Mueller, qui donne des sueurs froides à la Maison-Blanche, a donné un coup d'accélérateur à son enquête sur les interférences russes, avec l'inculpation fin octobre de trois anciens conseillers de M. Trump.