Les 27 dirigeants de l'UE ont adopté samedi « unanimement » les grands principes directeurs qui guideront les négociateurs européens du Brexit au cours des deux prochaines années, illustrant ainsi leur unité revendiquée face au Royaume-Uni.

« Orientations adoptées à l'unanimité », a fièrement annoncé sur Twitter le président du Conseil européen Donald Tusk, le vote à peine terminé, peu après l'ouverture à Bruxelles du premier sommet extraordinaire à 27 sur le Brexit.

Quatre minutes pour adopter le texte ! L'UE ne s'est pas privée de mettre en avant son efficacité, conséquence de son unité, quitte à plaisanter d'elle-même. « Ne vous attendez pas à ce qu'on maintienne cette rapidité, cela n'arrivera plus jamais », a lancé, enjoué, le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker en salle de presse.

Mais pour Donald Tusk comme pour Michel Barnier, le négociateur en chef du camp européen, cette unité est aussi dans l'intérêt du Royaume-Uni: c'est la « condition politique la plus importante » pour parvenir à un accord final, a insisté le président du Conseil.

« Que nous, les 27, nous nous allions et parlions d'une seule voix, c'est la chose la plus naturelle du monde. Mais ce n'est pas pour autant que nous nous allions contre » le Royaume-Uni, a assuré la chancelière allemande Angela Merkel, tandis que le président François Hollande, pour son dernier sommet européen, assurait que l'Europe « saura[it] défendre ses intérêts ».

Un mois exactement après la notification officielle de Londres, dix mois après le référendum britannique, les Européens ont signalé que leurs préparatifs des négociations se passaient sans accroc. Deux jours plus tôt à Londres, la première ministre Theresa May s'était, elle, inquiétée de voir le reste de l'UE « s'unir contre » son pays.

Les citoyens, première priorité

Les « orientations » entérinent trois points clés à régler dans l'accord de retrait du Royaume-Uni.

La « priorité numéro 1 » est la protection des droits des citoyens affectés par le Brexit, principalement les trois millions de ressortissants de l'UE installés au Royaume-Uni qui s'inquiètent pour leurs droits de résidence, à la retraite ou encore leur sécurité sociale.

M. Tusk a dit attendre « une réponse sérieuse » de Londres sur ce point, condition essentielle pour que les discussions progressent. Jean-Claude Juncker, de son côté, a demandé aux Britanniques de « ne pas sous-estimer les difficultés techniques » rencontrées par l'UE.

La Commission européenne a déjà établi une liste des droits « à protéger ».

Les deux parties devront aussi trouver un terrain d'entente sur le solde des comptes, dossier probablement le plus politiquement sensible. La facture s'annonce salée pour Londres, estimée autour de 60 milliards d'euros côté européen.

M. Juncker anticipait déjà quelques fissures dans l'unité des 27 à l'évocation du contentieux: « Il y a ceux qui ne veulent pas payer plus et ceux qui ne veulent pas recevoir moins. Ce sera un vrai débat », a-t-il pronostiqué.

Le troisième point concerne l'Irlande. Personne ne souhaite voir rétablie une frontière physique entre la République et la province britannique d'Irlande du Nord, ni remettre en cause les accords de paix chèrement acquis après 30 ans de « troubles ».

Toutes ces discussions doivent permettre un « retrait en bon ordre » du Royaume-Uni d'ici à fin mars 2019.

Approche progressive

Les Européens privilégient une approche « progressive » des négociations: avant d'envisager de parler de la nature de la « future relation », il faudra faire des progrès « suffisants » sur les trois points clés fixés par l'UE.

Les 27 jugeront d'eux-mêmes de l'avancée des progrès sur ces trois questions avant de passer à la phase suivante, à l'automne selon les prévisions de M. Barnier, selon Angela Merkel.

« Nous voulons tous une future relation forte avec le Royaume-Uni », a soutenu le président du Conseil Donald Tusk.

Mais « il y aura forcément un prix et un coût pour le Royaume-Uni », a rappelé M. Hollande, dans la lignée de l'avertissement lancé il y a deux jours par la chancelière allemande sur les « illusions » de certains responsables politiques britanniques.

Mercredi, la Commission publiera le complément légal à la déclaration des 27, soit des « directives » de négociations plus détaillées qui constitueront le mandat des négociateurs. Leur adoption par les 27 est prévue le 22 mai.

En ordre de bataille, les Européens espèrent entamer les négociations après les élections générales britanniques du 8 juin, convoquées par Theresa May afin d'obtenir un soutien politique sans faille.