La Chine a abaissé dimanche son objectif de croissance économique pour 2017, prenant acte de l'envolée de sa dette et d'une conjoncture mondiale morose, mais le régime communiste entend se donner les moyens de stabiliser l'activité avant un remaniement politique crucial à l'automne.

«On attend une croissance d'environ 6,5%, même si nous nous efforcerons de faire mieux», a déclaré le premier ministre Li Keqiang devant les près de 3000 membres du Parlement chinois (ANP).

Pékin révise ses ambitions, après avoir visé en 2016 une croissance «entre 6,5% et 7%». Le PIB de la deuxième économie mondiale avait finalement progressé de 6,7%, sa pire performance depuis 26 ans.

En ouvrant la grand-messe annuelle de la chambre d'enregistrement du régime, sous les ors du Palais du peuple, M. Li a joué les équilibristes, alternant l'énumération de «graves difficultés» et celle des réformes économiques.

De fait, Pékin est sur la corde raide: prônant un douloureux rééquilibrage vers les services et la consommation intérieure, mais également soucieux de préserver la stabilité sociale et l'emploi.

Quitte pour ce faire à maintenir à flot des groupes étatiques structurellement déficitaires et à gonfler les dépenses publiques dans de colossaux chantiers d'infrastructures.

Li Keqiang a certes déploré le «marasme de l'économie mondiale» et reconnu les épées de Damoclès suspendues au-dessus du système financier chinois: une dette dépassant 270% du PIB, l'envol des créances douteuses des entreprises, l'essor d'une «finance de l'ombre» non régulée.

«Ciel bleu»

En abaissant considérablement le coût du crédit depuis 2014, Pékin voulait doper l'activité, mais ces énormes liquidités ont surtout alimenté la spéculation et une énorme bulle dans l'immobilier, que les autorités s'efforcent désormais de dégonfler --comme l'a admis M. Li.

Cependant, le premier ministre s'est empressé de rassurer: «Les fondamentaux économiques sont robustes. Nous avons les capacités de maîtriser les risques systémiques», a-t-il martelé, rappelant que le désendettement des entreprises, particulièrement les groupes d'État, était «une priorité».

Les banques --qui ferment leurs portes aux firmes privées pour privilégier les groupes publics et les placements spéculatifs-- doivent «se concentrer» sur le financement de «l'économie réelle», a tonné M. Li.

Avant de retrouver ses accents réformistes de 2013: les «pouvoirs discrétionnaires» de l'État seront réduits pour «offrir au marché des marges de manoeuvre accrues», a-t-il affirmé, promettant des simplifications administratives et «un environnement fiscal transparent et plus équitable».

De fait, l'abaissement de l'objectif de croissance «laisse de l'espace pour poursuivre les réformes structurelles», celles qui visent les mastodontes mal gérés et les «zombies» du secteur étatique, a indiqué à l'AFP Wendy Chen, économiste de Nomura.

De quoi pouvoir, également, continuer de sabrer les colossales surcapacités de production dans la sidérurgie et le charbon, note-t-elle.

Le pays réduira de 150 millions de tonnes les capacités annuelles du secteur du charbon (une baisse de 800 millions est visée d'ici 2020), a assuré M. Li, se faisant fort de «mener une guerre sans merci» pour rendre à la Chine «un ciel bleu».

Le charbon assure toujours quelque 60% de l'électricité chinoise, alimentant la pollution qui embrume les métropoles du pays.

«Consolider son pouvoir»

En revanche, Pékin n'entend aucunement retirer ses «béquilles» très dirigistes à l'économie, quitte à laisser filer son déficit: il investira cette année l'équivalent de 504 milliards de dollars CAN dans des projets ferroviaires, d'autoroutes et voies fluviales.

Le président Xi Jinping paraît tenté de s'en remettre aux recettes traditionnelles pour maintenir l'économie à un niveau acceptable, tout en s'attachant à mieux encadrer les dérives du secteur financier, à travers une chasse très médiatisée aux «crocodiles» de la Bourse.

Objectif: préserver la stabilité, avant le remplacement attendu à l'automne d'une majorité des sept membres du Comité permanent du bureau politique du Parti communiste, l'organe tout puissant du régime.

«Li Keqiang donnait l'impression de vouloir préparer les esprits» à l'éclatement d'une crise financière, observe le politologue Jean-Pierre Cabestan, de l'Université baptiste de Hong Kong. «Mais les risques économiques n'empêcheront pas Xi de consolider son pouvoir et de placer ses hommes au sommet».