Premier à se faire le promoteur d'un accord de libre-échange entre le Canada et l'Union européenne (UE) dès 2007, l'ancien premier ministre du Québec Jean Charest se rendra demain à Strasbourg afin d'assister au vote historique ratifiant cet accord.

La ratification de l'accord par le Parlement européen pourrait d'ailleurs survenir en même temps que le vote au Parlement canadien, selon des informations obtenues par La Presse, un geste symbolique qui permettrait au Canada et à l'Union européenne de contrer à leur façon le vent protectionniste qui souffle sur plusieurs pays, notamment aux États-Unis depuis la victoire de Donald Trump à l'élection présidentielle.

M. Charest, qui compte aussi assister au discours que prononcera le premier ministre Justin Trudeau devant le Parlement européen jeudi, avait multiplié les pressions sur l'ancien gouvernement conservateur de Stephen Harper en 2007 pour qu'il entreprenne des négociations de libre-échange avec l'Union européenne.

À l'époque, le gouvernement Harper s'était montré sceptique quant à la faisabilité d'une telle entente. Mais une étude commune menée par les gens d'affaires avait conclu que la libéralisation des échanges entre le Canada et le Vieux Continent aurait des retombées économiques de 12 milliards de dollars par an pour l'économie canadienne et avait convaincu M. Harper que cela était dans l'intérêt du pays.

« C'était un projet que j'avais proposé en 2007. C'était un projet de 10 ans ! Je suis très heureux de voir le dénouement et je compte suivre cela jusqu'à la fin. Je vais donc être à Strasbourg pour le vote au Parlement », a indiqué Jean Charest dans une entrevue accordée à La Presse du Cap, en Afrique du Sud, avant son départ pour la France.

« Ce vote survient à un moment important. On semble être dans une époque où tout est fait en fonction du court terme. J'ai l'impression que les projets de 10 ans se font plus rares, que les gens perdent la volonté de se lancer dans des choses qui exigent beaucoup de temps et d'efforts », a ajouté M. Charest.

« Cette entente-là va changer l'économie du Canada. Ça arrive à un moment que personne n'avait anticipé avec l'élection de Donald Trump et le Brexit. On fait naître le bébé avec le vote de [demain]. Maintenant, il faut le faire marcher et le faire grandir. »

- Jean Charest

APPLICATION PROVISOIRE DÈS LE MOIS D'AVRIL

Rappelons que cet accord commercial avait été sur le respirateur artificiel pendant quelques semaines, l'automne dernier. après que la région francophone de la Wallonie, en Belgique, eut soulevé des réserves et mis en péril sa ratification par ce pays. Mais la ministre du Commerce international de l'époque, Chrystia Freeland, avait mis son poing sur la table, refusant de rouvrir l'accord et invitant l'Union européenne à faire ses devoirs pour assurer son adoption. Sa sortie avait forcé les autorités belges à donner certaines garanties supplémentaires à la Wallonie pour son secteur agricole, entre autres, et permis de débloquer l'impasse en octobre dernier.

Une ratification demain par les députés européens ouvrira la voie à l'application provisoire, dès le mois d'avril, d'une grande partie du texte, à l'exception de quelques chapitres litigieux, le temps qu'il soit ratifié par l'ensemble des Parlements nationaux et régionaux de l'UE.

L'accord permettra d'éliminer 93 % des tarifs douaniers de l'Europe tandis que le Canada devra abolir 92 % des tarifs douaniers, sauf pour les produits en gestion de l'offre (volaille, oeufs, produits laitiers). En vertu de cet accord, le Canada permettra une augmentation de 16 800 tonnes par an de l'allocation d'importation de fromages européens.

En entrevue, M. Charest a tenu à souligner le travail « impeccable » des négociateurs du Canada pour arriver à cet accord, y compris l'ancien premier ministre du Québec, Pierre Marc Johnson, qui représentait le gouvernement québécois à la table des négociations. « C'était la première fois que les provinces étaient à la table. C'est donc aussi un succès du fédéralisme canadien, celui où les provinces et les territoires sont à la table dans leurs domaines de compétence pour réaliser une entente qui est la plus avancée du monde industrialisé. »