Signé dans la douleur fin octobre par Bruxelles et Ottawa, l'accord de libre-échange entre l'Union européenne et le Canada, toujours très critiqué, sera soumis mercredi au vote du Parlement européen à Strasbourg.

Voilà des semaines que la commissaire européenne au Commerce, Cecilia Malmström, n'a de cesse de défendre ce traité qu'elle considère comme «le plus progressiste jamais conclu dans l'histoire» et qu'elle juge «plus important que jamais» pour contrer le protectionnisme de Donald Trump.

Mais l'Accord économique et commercial global (AECG), négocié pendant 7 ans, reste un accord contesté, jugé anti-démocratique par ses opposants, trop favorable aux multinationales, léger sur la protection de l'environnement ou encore dangereux pour l'agriculture européenne.

Un vote positif des eurodéputés ouvrirait la voie à l'application provisoire, a priori dès le mois d'avril, d'une grande partie du texte, exception faite de quelques chapitres litigieux, le temps qu'il soit ratifié par l'ensemble des Parlements nationaux et régionaux de l'UE.

Le rapport de force semble plutôt favorable aux partisans du AECG (droite, libéraux et une majorité des socialistes) qu'à ses opposants (verts, extrême gauche, extrême droite et certains socialistes).

Le premier ministre canadien Justin Trudeau a prévu de s'exprimer devant les députés jeudi, au lendemain du vote.

Selon Bruxelles, le AECG fera progresser de 25% le commerce de l'UE avec le Canada, son 12e partenaire commercial, faisant croître le PIB européen d'environ 12 milliards d'euros par an.

Pour important qu'il soit, ce chiffre reste à comparer aux 14 600 milliards d'euros de PIB de l'UE en 2015.

Mais plus qu'un simple accord de libre-échange, Bruxelles veut faire du AECG un modèle pour les traités commerciaux à venir.

Loin de se limiter à la seule suppression des entraves au commerce des biens et des services, le texte promeut la coopération en matière de normes sociales et environnementales.

«Il élève la norme pour les futurs accords de libre-échange», résume Justin Trudeau.

230 000 emplois perdus

Les opposants ne rendent cependant pas les armes: plusieurs manifestations anti-AECG sont prévues dans la semaine à Strasbourg.

Parmi les interrogations qui persistent, celles autour des «tribunaux d'arbitrage» que le traité doit mettre en place restent vives.

Ces tribunaux --exclus du champ d'application provisoire du texte-- pourront être saisis par une entreprise qui a investi dans un secteur particulier, si elle s'estime lésée par une nouvelle réglementation publique, afin de demander réparation à l'État concerné.

Bien que le texte modernise ces juridictions par rapport aux autres traités, avec possibilité d'appel et règles éthiques, les anti-AECG jugent ces avancées insuffisantes car encore trop défavorables aux États.

Le Parlement wallon s'en était notamment inquiété fin octobre, entraînant une mini-crise diplomatique, qui avait retardé de quelques jours la signature du texte par l'UE et le Canada.

Par ailleurs, plusieurs études ont remis en cause les bienfaits de l'accord, à commencer par celle de l'université américaine Tufts, près de Boston, qui estime que le AECG «va entraîner la perte de 230 000 emplois d'ici 2023», dont 200 000 dans l'UE.

Ou encore celle commanditée par les écologistes et le syndicat interprofessionnel de la viande, Interbev, qui juge l'accord déséquilibré, notamment pour les éleveurs bovins européens, face à des exploitants canadiens beaucoup plus puissants.

L'étude craint en outre que le AECG entraîne des conflits sanitaires, à cause des différence normatives entre Europe et Canada.

«Les produits canadiens ne pourront être importés et vendus dans l'UE que s'ils respectent pleinement notre réglementation», martèle la Commission en réponse.

Autre incertitude: pour que son application soit pleine et définitive, le texte devra être ratifié par l'ensemble des 38 Parlements nationaux et régionaux de l'UE.

Une procédure à l'issue incertaine, comme en témoigne le blocage wallon en octobre, qui prendra de toute façon plusieurs années.

Un rapport de la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH), en France, s'interroge d'ailleurs sur «les conséquences d'un refus éventuel de l'un des Parlements nationaux».

Une question «épineuse», écrit-il, encore sans réponse.