Ils ont été le moteur principal de la croissance économique mondiale pendant une dizaine d'années. Mais voilà que des investisseurs internationaux semblent perdre confiance dans les économies émergentes.

Depuis l'élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis, les investisseurs étrangers - des grands fonds d'investissement surtout - ont retiré une bonne partie de leurs billes dans les marchés financiers en Asie du Sud-Est, en Inde et en Turquie, notamment.

Au mois de novembre, plus de 32 milliards CAN (24,2 milliards US) ont été extraits de ces régions, indique le plus récent bilan de l'Institut international de la finance (IIF), un organisme établi à Washington. Ces sommes ont été réinvesties à la Bourse américaine - qui enfile les records depuis un mois - et en Europe surtout, selon les analystes.

C'est la plus importante sortie de fonds enregistrée dans les marchés émergents depuis juin 2013. À ce moment-là, une grande frousse s'était emparée des investisseurs qui redoutaient que la Réserve fédérale américaine (Fed) hausse les taux d'intérêt et que les autres banques centrales ferment le robinet des liquidités bon marché.

Une hausse de taux à nos portes

Or, en cette fin de 2016, tout indique que la Fed va bel et bien augmenter les taux à sa prochaine réunion (les 13 et 14 décembre), vu la bonne tenue de l'économie américaine et les pressions inflationnistes croissantes.

De plus, l'élection d'un président américain résolument protectionniste est perçue comme une menace pour la planète émergente.

« Les positions antagonistes de Trump durant la campagne au sujet du commerce mondial et de l'immigration ont accentué les mouvements de capitaux hors des marchés émergents », dit l'Institut international de la finance.

Du 1er janvier au 30 octobre, l'indice baromètre des marchés émergents - le MSCI/EM - a grimpé d'environ 16 %. Mais après l'élection du milliardaire, il a dégringolé de plus de 5 % en deux semaines avant de se redresser un peu ces derniers jours.

Et comme la fuite de capitaux devrait se poursuivre en 2017, soutient l'IIF, les problèmes vont se multiplier pour les pays qui connaissent des difficultés, comme la Corée du Sud, la Thaïlande ou l'Afrique du Sud.

Le billet américain, toujours roi

L'une des conséquences de la hausse anticipée des taux d'intérêt aux États-Unis est que cela renforce un dollar américain... déjà très fort. Le billet vert est actuellement à un sommet de 14 ans par rapport à un panier de devises internationales.

En contrepartie, le yuan chinois, la roupie indienne, le peso philippin et la livre turque notamment ont subi d'importants reculs - variant de 4 à 9 % depuis un mois - par rapport au tout-puissant billet vert.

Un taux de change moindre est certes une bonne nouvelle pour les exportateurs de ces pays. Par contre, il constitue une menace sérieuse pour leurs finances.

Car beaucoup de sociétés des pays émergents, en Chine notamment, ont contracté des prêts libellés en dollars américains.

Selon l'IIF, ces emprunts sont passés d'un peu plus de 500 milliards US en 2008 à près de 1200 milliards US au milieu de 2016.

Or, quelque 340 milliards US de ces dettes viendront à échéance d'ici au début de 2018, prévenait l'été dernier la Banque des règlements internationaux (BRI), un organisme suisse qui se définit comme la « banque des banques centrales ».

Le moment venu de rembourser ces prêts, la facture risque alors d'être très salée à cause du taux de change, poussant même certaines sociétés à la faillite.

Dans un rapport publié en juillet, la firme Moody's faisait d'ailleurs cette mise en garde. « Les marchés émergents sont de plus en plus vulnérables à des chocs externes après une décennie d'accumulation de dettes. »

Mieux préparés

Cependant, des experts croient que la situation a changé. Les pays émergents sont aujourd'hui mieux préparés pour faire face à une hausse des taux d'intérêt et du dollar américain.

D'abord, les finances des gouvernements et des sociétés de ces régions sont en meilleur état qu'elles ne l'étaient lors de la crise financière asiatique de 2007. De plus, le projet de Donald Trump d'investir massivement - jusqu'à 1000 milliards US - dans les infrastructures aux États-Unis est de bon augure pour l'économie mondiale.

« Il [Trump] sera probablement capable de relancer l'économie américaine », affirmait la semaine dernière à Bloomberg TV le réputé gestionnaire de fonds Mark Mobius, du groupe Templeton Emerging Markets. « C'est une bonne nouvelle pour tout le monde, incluant les marchés émergents. »

Et foi de M. Mobius, on peut même s'attendre à un « redressement graduel » des marchés émergents en 2017.

Infographie La Presse