Après deux ans de crise, la Russie attend toujours la reprise: son économie a confirmé pendant l'été sa progressive stabilisation sans renouer avec la croissance, espérée pour cette fin d'année, mais prévue faible pour longtemps.

Selon une première estimation publiée lundi par l'agence des statistiques Rosstat, le produit intérieur brut s'est contracté de 0,4 % sur un an au troisième trimestre.

Ce recul, conforme à l'estimation du ministère de l'Économie, est moins fort que ceux observés aux premier (-1,2 %) et deuxième (-0,6 %) trimestres.

Il confirme l'essoufflement progressif de la plus longue crise frappant la Russie depuis l'arrivée au Kremlin de Vladimir Poutine il y a 16 ans, provoquée fin 2014 par l'effondrement des cours du pétrole et les sanctions imposées par les Occidentaux en raison de la crise ukrainienne.

Cette récession, accompagnée d'une envolée des prix, a porté un coup dur au pouvoir d'achat des Russes, notamment les plus modestes.

Le ministre de l'Economie Alexeï Oulioukaïev a estimé la semaine dernière que le chiffre du quatrième trimestre serait positif. Son ministère prévoit une contraction de 0,6 % du PIB sur l'ensemble de 2016, après une chute de 3,7 % en 2015, et une croissance d'environ 1 % en 2017.

Concernant l'évolution du PIB d'un trimestre sur l'autre, mesure faisant habituellement référence pour définir les périodes de récession, Rosstat n'a publié aucun chiffre.

Comme elle l'avait fait à l'issue du deuxième trimestre, la banque centrale a dit déceler lundi une croissance très faible (+0,1 %), marquant donc une fin de récession, mais dans la marge d'erreur statistique. Elle espère une croissance de 0,2 %-0,3 % au quatrième trimestre.

Plus pessimiste, les experts du cabinet Capital Economics ont jugé le chiffre en glissement annuel de Rosstat «cohérent avec une légère baisse du PIB trimestre sur trimestre». Ils prévoient un retour à une croissance «lente», «d'ici au début de l'année prochaine».

Encore trois ans difficiles

Des pans entiers de l'économie russe (banque, pétrole, défense...) restent visés par des sanctions qui compliquent leur financement. Un assouplissement reste très incertain malgré l'arrivée au pouvoir dans plusieurs pays occidentaux de dirigeants jugés plus sensibles aux arguments de Moscou, tels Donald Trump aux États-Unis.

Les autorités russes reconnaissent par ailleurs que, faute de réformes de libéralisation et de diversification, la Russie ne parviendra pas à renouer avec des taux de croissance nécessaires pour assurer sa modernisation, les dépenses sociales ou encore le financement de son armée engagée actuellement en Syrie et appelée à renforcer sa présence face à l'OTAN.

«Nous prévoyons que lors des trois prochaines années, les conditions extérieures resteront, malheureusement, compliquées pour notre économie, comme les conditions intérieures», a prévenu lundi la présidente de la banque centrale, Elvira Nabioullina, devant des parlementaires, jugeant les signes actuels de reprise «hétérogènes et instables».

«Augmenter le potentiel de croissance économique ne peut se faire qu'au prix de réformes structurelles, dont l'effet prendra des années», a prévenu la responsable, qui ne cesse de rappeler le besoin pour l'économie russe de réduire sa dépendance aux hydrocarbures.

La semaine dernière, la Banque mondiale a estimé que la reprise actuelle avait peu de chance de contribuer à «construire une économie plus diversifiée». Elle a appelé Moscou à «améliorer la confiance des investisseurs en réduisant l'incertitude politique», mais aussi à s'attaquer «aux questions socio-économiques complexes liées à sa population vieillissante».

L'un de ses responsables a jugé indispensable notamment de relever l'âge de la retraite, fixé depuis 1932 à 55 ans pour les femmes et 60 ans pour les hommes, une proposition reprise à son compte par le ministre de l'Économie.

Des réformes d'ampleur sont cependant peu probables avant la présidentielle début 2018.