La Banque du Japon a fait un geste mercredi envers les banques en adoptant un cadre plus flexible destiné à limiter les effets négatifs de sa politique ultra-accommodante, au risque toutefois de brouiller les pistes.

Son gouverneur Haruhiko Kuroda avait promis fin juillet de rendre des comptes, trois ans après le lancement d'une audacieuse offensive monétaire. C'est chose faite et le combat continue, «notre engagement est extrêmement fort», a-t-il promis lors d'une conférence de presse, répétant que la banque centrale n'hésiterait pas à assouplir sa politique si besoin pour atteindre l'objectif d'inflation de 2%.

En revanche, l'institution a pris acte des effets secondaires de son action qui a tiré vers le bas les rendements des titres financiers à long terme, heurtant la rentabilité des banques tout en affectant par ricochet les pensions de retraite et assurances vie.

«Un repli excessif peut avoir un impact négatif sur l'activité économique en conduisant à une dégradation du moral» des consommateurs, a souligné la Banque du Japon. De ce fait, elle a décidé de réorienter sa politique ultra-accommodante pour tenter de prévenir un déclin trop prononcé du rendement des obligations à 10 ans. Le but est qu'il «se maintienne autour de 0%», a-t-elle précisé.

Dans la foulée du communiqué, le rendement de ces titres est temporairement repassé en territoire positif pour la première fois depuis mars, grimpant à 0,005% avant de retomber.

Concrètement, le programme de rachats d'actifs, auparavant fixé à 80.000 milliards de yens (690 milliards d'euros) par an, pourra désormais fluctuer autour de ce montant, toutes maturités confondues (contre 7-12 ans jusqu'ici) dans l'optique de diminuer les achats de titres à très long terme.

Le taux d'intérêt négatif - une pénalité imposée aux banques qui déposent trop d'argent auprès de la banque centrale pour les inciter à prêter aux entreprises et aux particuliers - reste pour sa part inchangé à -0,1%.

À la Bourse de Tokyo, les valeurs bancaires ont apprécié - Mitsubishi UFJ Financial Group (MUFG) et Mizuho ont fini sur un gain de quelque 7% -, dopant le Nikkei qui a pris près de 2%.

«Trop compliqué»

Mais d'aucuns parient sur un rebond éphémère, le temps de mieux saisir la portée de ces annonces. Si la Banque du Japon avait promis d'améliorer sa communication, ce nouveau chapitre dans l'ère Kuroda a laissé nombre d'observateurs perplexes.

«Cela ne veut pas dire que nous avons abandonné notre précédente politique», s'est défendu le gouverneur, pressé de questions. «Nous la renforçons au contraire».

Pour Martin Schulz, économiste chez Fujitsu Research Institute, «tout cela est très sensé, mais sera très difficile à réaliser».

«Au final, la Banque du Japon a réussi à se donner plus de flexibilité, mais au risque de créer un cadre bien trop compliqué. Si elle a effectivement surpris, le constat reste le même: il n'y a pas grand-chose pour vaincre l'état d'esprit déflationniste», ont jugé les analystes de Mizuho Securities.

Même scepticisme du côté de Michael Hewson, chez CMC Markets. «Si ces actions peuvent aider les banques, elles ne soutiendront probablement pas l'économie japonaise, et d'une certaine manière le fait que la politique de la Banque du Japon devienne aussi expérimentale montre le peu de marge de manoeuvre dont elle dispose», a-t-il réagi dans une note.

À l'image de la Banque centrale européenne (BCE), le gouverneur Kuroda a innové à la tête de la Banque du Japon en usant de toute une palette d'outils non conventionnels. Mais l'enthousiasme du début, avec l'affaiblissement du yen, des profits records des entreprises exportatrices et une inflation frémissante, s'est évanoui.

«Les jours où la Banque du Japon pouvait compter sur les effets positifs de sa politique sont révolus», note Yuki Masujima, économiste de Bloomberg Intelligence. Les derniers mois ont été éprouvants: «une demande asiatique atone, le choc du Brexit et la chute des cours du pétrole», et la banque centrale nippone a semblé impuissante à revigorer une troisième économie mondiale atone.

Son sort est aussi lié aux décisions de la Réserve fédérale américaine (Fed) qui tarde à relever ses taux, ce qui ne fait pas les affaires de l'archipel en contribuant à affaiblir le dollar face au yen. Son Comité de politique monétaire (FOMC) doit publier dans les prochaines heures un communiqué, mais, sauf grosse surprise, un statu quo se profile.