Pékin est en train de s'affaisser. Littéralement.

Selon une étude, la capitale chinoise s'enfonce de 11 cm par an sous le poids de ses gratte-ciel toujours plus hauts, conséquence de l'exploitation anarchique des sous-sols pour en tirer de l'eau.

La revue scientifique Remote Sensing explique, dans une édition récente, que Pékin recouvre des réserves d'eau gigantesques. Mais la nappe phréatique s'assèche sous l'effet des dizaines de milliers de puits qui ont été creusés pour alimenter en eau les terres agricoles et les aménagements paysagers.

Ce pompage excessif a pour effet de comprimer le sol... comme une éponge dont on retire l'eau.

Cette image des rutilants édifices de Pékin s'enfonçant dans le sol fait penser à l'économie chinoise ces temps-ci.

Même si les sociétés d'État et les administrations régionales pompent de plus en plus de liquidités des vastes bassins de crédit auxquels elles ont accès, l'économie et les finances chinoises s'enfoncent sous le poids d'une dette grandissante.

LE CRÉDIT PERD SON « PUNCH »

La deuxième économie mondiale a progressé de 6,7 % au deuxième trimestre. Un résultat rassurant en apparence puisque ce chiffre est inchangé par rapport au trimestre précédent.

Mais cette performance constitue une nette baisse par rapport aux taux de 7,5 à 8,5 % des trois années antérieures et à la croissance à deux chiffres du début des années 2000.

Plus inquiétant encore, cette décélération évolue à contresens de l'endettement national qui, lui, monte en flèche, signale Morgan Stanley.

La banque américaine vient de faire ses calculs. Son analyse démontre que, de 2003 à 2008, soit au moment où la croissance chinoise dépassait les 11 % annuellement, un yuan de crédit additionnel suffisait à ajouter un yuan au produit intérieur brut (PIB) de la Chine. 

En clair, c'était du un pour un.

Or, ce ratio est passé à deux pour un en 2009-2010, alors que Pékin avait déployé un imposant plan de 600 milliards US pour contrer les effets de la crise financière.

Puis, voyant l'économie ralentir encore, les entreprises chinoises ont puisé encore plus dans le crédit en 2015, faisant passer le ratio de référence à quatre pour un.

Cette année, ce dérapage s'accélère substantiellement. Si bien que le ratio crédit-PIB de Morgan Stanley est passé à « six pour un ». C'est deux fois plus que le niveau enregistré aux États-Unis durant la bulle immobilière de 2004-2007... qui a mené à la crise financière de 2008.

Autrement dit, les milliards ont beau couler à flots, le crédit n'a plus le même « punch » économique qu'avant en Chine.

« L'endettement de la Chine depuis cinq à sept ans est sans précédent, souligne le directeur des marchés émergents de Morgan Stanley, Ruchir Sharma, cité par l'agence Reuters. Aucun pays développé n'a accumulé autant de dettes que la Chine en termes relatifs. »

290 %, ET ÇA CONTINUE...

La dette chinoise (privée et publique) a atteint l'équivalant de 237 à 290 % du PIB au premier trimestre, selon qu'on se fie à Goldman Sachs ou à l'Institut international de la finance (IIF). Un niveau inégalé parmi les pays du G20.

Or, la rapidité de l'endettement est ce qui inquiète le plus en Chine, dont le ratio dette/PIB était de 147 % à la fin de 2007.

« Tous les pays développés qui se sont endettés rapidement ont vécu une crise financière ou un ralentissement prolongé » écrivait Ha Jiming, stratégiste chez Goldman Sachs, dans un rapport plus tôt cette année.

Pas très rassurant...

REMBOURSEZ ! SINON L'HUMILIATION

Les analystes ne sont plus les seuls à s'inquiéter de la dette chinoise. Pékin vient de prendre des moyens extrêmes pour la contenir, dont l'humiliation publique contre les mauvais payeurs.

Quelque 3,4 millions de personnes avec des dettes impayées ont vu leur nom dévoilé publiquement ces derniers jours, certains coupables étant même affichés sur des panneaux électroniques dans les gares.

Comme à l'époque de Mao, où l'on faisait défiler dans les rues - pancarte au cou - les « hérétiques capitalistes », l'État chinois exhibe ceux qui tardent à rembourser leurs dettes. Particuliers et chefs d'entreprise y passent.

La Shanghai Railways Transportation a ainsi affiché le nom d'un entrepreneur qui ne réglait pas une dette de 400 000 $US. Outre le nom des délinquants, on dévoile leur adresse et leur numéro de téléphone.

Autres punitions : 780 000 mauvais payeurs n'ont plus le droit de prendre le train à grande vitesse, et 3,9 millions sont interdits à bord des avions.

Et ça marche : 10 % d'entre eux auraient acquitté leurs dettes, selon le quotidien Asia Times.

Infographie La Presse

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