La Banque d'Angleterre a incité mardi les banques à ouvrir les vannes pour soutenir une économie britannique en proie aux craintes de récession après la victoire du Brexit lors du référendum du 23 juin.

En allégeant les contraintes en termes de capital imposées aux banques face au «défi» représenté par le Brexit, la banque centrale devrait permettre à celles-ci de dégager une capacité de prêts supplémentaires de 150 milliards de livres (255 milliards de dollars CAD) pour les foyers et les entreprises.

La libération de cette masse de liquidités vise à soutenir l'économie britannique au moment où «certains risques ont commencé à se manifester» pour la stabilité financière du pays depuis le Brexit, a souligné le comité de politique financière (FPC) de la Banque d'Angleterre.

Concrètement, la Banque d'Angleterre a décidé de réduire de 0,5% à 0% un «coussin» de sécurité imposé aux banques pour les forcer à se préparer à d'éventuelles turbulences en conservant dans leurs coffres des milliards de livres de liquidités.

L'institution avait décidé d'augmenter cette exigence en mars et cette mesure devait formellement entrer en application le 29 mars 2017, mais elle juge désormais que les banques, suffisamment capitalisées, selon elle, doivent être libérées de cette contrainte afin de jouer à plein leur rôle de poumon de l'économie.

«C'est un changement majeur», s'est félicité lors d'une conférence de presse le gouverneur de la Banque d'Angleterre, Mark Carney, en première ligne depuis la victoire du «Leave» pour rassurer les marchés, et qui a déjà annoncé que la banque centrale était prête à injecter 250 milliards de livres dans les circuits et à assouplir sa politique monétaire cet été.

Ces propos représentaient la troisième intervention publique de M. Carney depuis l'annonce de la victoire des partisans du Brexit le 24 juin, le gouverneur se présentant comme un garant de la stabilité de l'économie au moment où le monde politique britannique donne une image de total désordre.

Conséquence de la mesure dévoilée mardi, les trois quarts des banques britanniques, comptant pour 90% du montant total des prêts, auront immédiatement plus de flexibilité pour fournir du crédit aux foyers et entreprises britanniques, a souligné M. Carney, qui dirige depuis trois ans la «Vieille dame de Threadneedle street» - le surnom de la Banque d'Angleterre, du nom de la rue où se trouve son siège au coeur de la City de Londres.

Perspectives assombries

L'issue du référendum sur le Brexit a entraîné une très forte volatilité sur les marchés, boursiers et au-delà. Selon la Banque d'Angleterre, la livre sterling a chuté en moyenne de 9% face aux autres grandes monnaies entre le référendum et le 1er juillet, atteignant même mardi un nouveau plus bas face au billet vert depuis près de 31 ans, à 1,3055 dollar.

La valeur des actions des grandes banques a quant à elle plongé en moyenne à Londres de 20% et le taux des obligations d'État britanniques à 10 ans a perdu 52 points de base.

La première émission de dette réalisée par le Royaume-Uni depuis le référendum a d'ailleurs suscité une très forte demande des investisseurs mardi, avec un taux historiquement bas pour des obligations à 5 ans.

«Ces mouvements reflètent une augmentation de la prime de risque sur les actifs britanniques, une perspective de croissance perçue comme plus faible et une anticipation d'une détérioration future des conditions de commerce et d'approvisionnement du Royaume-Uni», a souligné la Banque d'Angleterre.

Alors que l'institution réunit son comité de politique monétaire le 14 juillet, de premiers indices inquiétants pour l'économie commencent à poindre.

La croissance dans le secteur prépondérant des services a brutalement freiné en juin, nombre de clients repoussant ou annulant des commandes face aux craintes de Brexit, ce qui a entraîné un ralentissement des embauches, a indiqué mardi le cabinet Markit.

De leur côté, les firmes Standard Life et Aviva Investors ont été obligées de geler chacune un de leurs fonds immobiliers en ce début de semaine, face aux masses d'argent retirées par les investisseurs, une annonce qui a provoqué une nouvelle chute des valeurs immobilières à la Bourse de Londres.

Premiers signes de panique sur le marché immobilier après le Brexit

(Mathieu GORSE, LONDRES) - Après Standard Life lundi, Aviva Investors a annoncé à son tour mardi le gel d'un de ses fonds immobiliers face à l'afflux des demandes de retraits, signe inquiétant d'un possible début de panique post-Brexit.

«Les circonstances de marché extraordinaires, qui impactent le secteur dans son ensemble, ont entraîné un manque de liquidités immédiates dans le fonds Aviva Investors Property Trust. En conséquence, nous avons agi afin de sauvegarder les intérêts de tous nos investisseurs en suspendant les transactions au sein du fonds avec effet immédiat», a indiqué un porte-parole d'Aviva Investors.

«Cette suspension donnera à Aviva Investors un plus grand contrôle sur la gestion des flux de liquidités et sur la conduite ordonnée des ventes d'actifs afin de respecter nos obligations à l'égard des investisseurs souhaitant récupérer leurs placements», a-t-il ajouté.

En effet, ce gel va permettre à Aviva de ne pas vendre à la va-vite les biens immobiliers commerciaux (bureaux, magasins...) d'une valeur de 1,8 milliard de livres gérés par son fonds.

Au lendemain de la décision de Standard Life de geler l'un de ses fonds immobiliers d'une valeur de 2,9 milliards de livres, cette annonce d'Aviva est la deuxième manifestation concrète d'un possible début de panique sur le marché immobilier après le séisme provoqué par la décision des Britanniques de quitter l'UE lors du référendum du 23 juin.

«Les dominos commencent à tomber sur le marché immobilier commercial britannique alors qu'un autre fonds ferme ses portes en raison de demandes de retraits précipitées par le vote sur le Brexit et cela n'est probablement qu'une question de temps avant de voir d'autres fonds suivre le même chemin», a commenté Laith Khalaf, analyste chez Hargreaves Lansdown.

Résultat, si la théorie des dominos se confirme, l'offre d'immobilier commercial pourrait affluer sur le marché, «ce qui devrait entraîner une pression à la baisse sur les prix», ajoute l'analyste.

«Les investisseurs étrangers pourraient être tentés par la chute de la livre mais ils pourraient aussi bien décider de rester à l'écart d'une économie plongée dans l'incertitude», juge-t-il.

Du jamais vu depuis la crise

Rappel inquiétant, le dernier krach immobilier dans le pays, à l'orée de la crise financière mondiale de 2008, avait démarré par les difficultés de fonds à faire face à leurs obligations.

Face à cette situation «précaire», «les investisseurs deviennent très nerveux (...) La dernière fois que nous avons vu ce genre de mesures était durant la crise financière», a ainsi souligné Mark Priest, d'ETX Capital.

Après s'être effondrée en 2008, la pierre a connu une véritable renaissance, portée par l'empressement des classes supérieures britanniques de placer leurs revenus et par des masses de liquidités en provenance notamment du Golfe ou de Russie. Ce boom s'est accéléré à partir de 2013 et, à Londres, les prix sont aujourd'hui supérieurs de plus de 50% à ceux du pic d'avant la crise.

Au-delà de l'immobilier commercial, c'est tout le secteur du BTP et de l'immobilier qui tremble désormais en Grande-Bretagne depuis le vote sur le Brexit, après avoir connu de premiers signes de ralentissement ces derniers mois.

En juin, selon l'indice PMI publié lundi par le cabinet Markit, le secteur de la construction a connu ainsi son plus mauvais mois depuis sept ans, plombé par «des décisions d'investissement largement repoussées et la peur sur le marché résidentiel», selon Tim Moore, économiste chez Markit. Cette enquête couvrait essentiellement les jours d'avant le référendum.

À la Bourse de Londres, ce flot de mauvaises nouvelles alimentait le plongeon des valeurs immobilières et du BTP à l'image de Barratt Developments qui lâchait 7,55% à 359 pence, de Persimmon qui abandonnait 6,27% à 1.345 pence ou de Standard Life qui reculait de 4,50% à 273,60 pence, dans un marché en légère hausse vers 14h00 GMT (10h00 à Montréal).