L'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) se montre de plus en plus pessimiste au sujet de l'économie mondiale, et de celle du Canada, et avertit que le «piège de la faible croissance» se poursuivra si les gouvernements ne changent pas d'approche vis-à-vis des dépenses et du commerce.

Dans l'ensemble, l'OCDE prédit une croissance mondiale de 3,0 % cette année et de 3,3 % l'an prochain. Ces deux prévisions sont inférieures de 0,3 point de pourcentage à celles émises en novembre dernier.

La croissance du produit intérieur brut du Canada devrait s'établir à 1,7 % cette année et à 2,2 % en 2017, calcule l'OCDE, qui misait en novembre sur une croissance de 2,0 % pour 2016 et de 2,3 % en 2017 pour le pays.

L'organisation a noté que le secteur des ressources naturelles du Canada s'était contracté, mais juge que ce déclin va ralentir. L'activité dans les autres secteurs de l'économie devrait «prendre de l'élan», a-t-elle estimé mercredi.

Dans son analyse de la situation au Canada, l'OCDE note que les investissements des entreprises du secteur du pétrole et du gaz naturel continuent de diminuer de façon marquée, et qu'ils devraient être inférieurs, cette année, de 60 % par rapport à ceux de 2014.

Statistique Canada a indiqué mardi que le produit intérieur brut avait avancé de 2,4 % au premier trimestre, en rythme annuel, ce qui était inférieur aux attentes de 2,9 % des économistes.

La performance de l'économie au deuxième trimestre devrait être moindre, notamment en raison des incendies de forêt du mois de mai, qui ont ravagé la région de Fort McMurray, en Alberta, et forcé l'interruption temporaire d'une grande partie des activités de sables bitumineux qui s'y déroulent.

La Banque du Canada a indiqué la semaine dernière que son évaluation préliminaire de la situation lui permettait de prédire que les incendies retrancheraient 1,25 point de pourcentage à la croissance du PIB réel au deuxième trimestre.

Dans son rapport sur la politique monétaire du mois d'avril, la banque centrale avait dit s'attendre à une croissance annuelle de 1,0 % pour l'économie au deuxième trimestre, ce qui permet de déduire qu'elle mise maintenant probablement sur une contraction de l'économie.

Parmi les risques évoqués mercredi par l'OCDE au sujet de l'économie mondiale se trouvait notamment le potentiel divorce des Britanniques avec l'Union européenne.

L'OCDE a répété son opinion voulant qu'un vote en faveur du départ du Royaume-Uni lors du référendum prévu plus tard en juin «déprimerait de façon substantielle la croissance en Europe et ailleurs».

Mais par-dessus tout, l'OCDE craint que les risques de faible croissance ne deviennent chroniques.

«Ce piège de faible croissance met en scène un cycle où les attentes diminuées deviennent des prédictions qui se réalisent automatiquement», a prévenu le secrétaire général de l'organisation, Angel Gurria.

D'après l'OCDE, les entreprises sont trop prudentes pour investir et préfèrent limiter l'innovation et la productivité. En conséquence, les ménages se montrent de plus en plus pessimistes quant au marché de l'emploi et à l'avenir. Les plus faibles dépenses des consommateurs qui s'en suivent alimentent ensuite le pessimisme des entreprises, ce qui complète le cercle vicieux.

Même si l'économie américaine s'est améliorée ces dernières années, la prochaine grande économie, celle de la Chine, connaît un ralentissement. Et puisque la Chine est un important consommateur de produits bruts et d'énergie, ainsi qu'un énorme exportateur et un consommateur de plus en plus important, les craintes à son endroit déteignent sur celles entourant l'économie mondiale.

L'Inde poursuit sa croissance

Parmi les pays émergents, le Brésil plonge encore plus dans la récession, avec un PIB qui devrait dégringoler de 4,3%, alors que l'organisation tablait déjà sur une chute de 4% en février. L'an prochain, le géant sud-américain restera en récession, à -1,7%, selon l'OCDE qui ajoute que les «profondes divisions politiques limitent les possibilités de réformes à court terme».

Il n'y a que l'Inde qui poursuit sa croissance à un rythme élevé parmi les grands pays émergents, à 7,5%.

Pour les États-Unis, l'OCDE fait passer la prévision de croissance sous la barre des 2% cette année, à 1,8% contre 2% en février, mais elle s'attend à un rebond en 2017 à 2,2%. «L'économie américaine, mais elle n'est plus une locomotive», a admis l'économiste.

En Europe, elle révise toutefois à la hausse les prévisions pour la France de 1,2% à 1,4%. Pour l'an prochain, l'organisation internationale s'attend toutefois à une croissance en France quasi stable (1,5%). Idem pour l'Allemagne qui devrait passer de 1,6% cette année à 1,7% en 2017.

Face à la menace de la stagnation, l'OCDE incite les Etats à prendre des initiatives pour doper la croissance et à ne plus attendre uniquement la solution de la part des banques centrales, dont le levier a été «trop longtemps exclusif» et dont les instruments «sont trop sollicités».

«En l'absence de mesures étoffées, cohérentes et collectives, la croissance restera décevante et atone», a prévenu Mme Mann. «Le niveau durablement faible de la croissance a (...) entraîné les pays dans le piège d'une croissance molle», a expliqué l'économiste, plaidant pour que l'action publique prenne désormais le relais Mme Mann a ainsi appelé les États à mettre «plus largement à contribution» la politique budgétaire en procédant à des «dépenses de qualité» susceptibles de dynamiser la croissance, d'autant plus qu'ils peuvent se financer à des taux d'intérêt très bas sur les marchés.

L'économiste a appelé à cibler des infrastructures matérielles, par exemple dans le domaine du numérique, de l'énergie ou du transport, mais aussi «l'éducation préscolaire ou innovation».

Elle a toutefois affirmé qu'il «est impossible de s'engager sur une telle trajectoire sans adopter des politiques structurelles propres à stimuler la concurrence, l'innovation et le dynamisme des marchés, à développer les compétences et la mobilité sur le marché du travail, et à conforter la stabilité et le fonctionnement des marchés financiers».

- Avec AFP