Une responsable de la banque centrale américaine a estimé lundi que la Fed devrait s'armer de «patience» avant de relever les taux d'intérêt afin d'y voir «plus clair» sur les perspectives économiques.

«On ne devrait pas prendre la solidité du marché de l'emploi et de la consommation aux États-Unis pour acquis», a estimé Mme Lael Brainard, gouverneure de la Fed, dans un discours à Washington devant une association bancaire.

«Le durcissement des conditions financières et les anticipations d'une inflation plus faible pourraient poser des risques à la baisse sur l'évolution des prix et l'activité économique», a affirmé cette membre du Comité monétaire (FOMC) qui décide de l'évolution des taux d'intérêt.

«D'un point de vue de la gestion des risques, cela plaide pour de la patience avant que les perspectives économiques soient plus claires», a-t-elle ajouté.

Le Comité monétaire de la Fed se réunit la semaine prochaine les 15 et 16 mars et les marchés doutent que la Fed relève les taux dès ce rendez-vous, mais projettent une hausse possible en juin, voire dès avril.

Pour Mme Brainard, il faut être «prudent avant d'anticiper qu'un marché de l'emploi plus étroit va bientôt faire remonter l'inflation autour de 2%», ce qui est l'objectif de la Fed. À 4,9%, le taux de chômage aux États-Unis est au plus bas depuis huit ans et les créations d'emplois ont affiché un bond spectaculaire en février.

Si elle se félicite du dynamisme continu du marché du travail, qui a affiché 242 000 nouveaux emplois nets en février, la responsable souligne «les effets négatifs et persistants du repli des prix de l'énergie et de l'augmentation des taux de change» du dollar.

Dans un discours séparé devant l'association des économistes NABE, le vice-président de la Fed Stanley Fischer a, quant à lui, reconnu que les bienfaits pour l'économie américaine qu'on attend traditionnellement de la baisse des prix du pétrole «étaient difficiles à discerner» cette fois-ci.

«En raison, entre autres, de la vive expansion de la production du pétrole de schiste, la production des États-Unis a augmenté rapidement et une importante partie de l'économie a été négativement affectée par ce repli des prix du pétrole», a-t-il expliqué.

Mais il estime qu'à la faveur d'une stabilisation des prix, l'industrie du pétrole de schiste va bientôt trouver «un nouvel équilibre» et que «l'impact général de la baisse des prix sera vu comme positif sur la demande aux États-Unis», ayant stimulé les revenus des ménages «de façon non négligeable».

M. Fischer, 72 ans, qui a reçu lundi un prix pour l'ensemble de sa carrière, a par ailleurs regretté que l'outil budgétaire ne soit plus guère considéré comme un moyen d'agir sur l'économie.

Le numéro deux de la Fed a rappelé qu'autrefois on prêtait «grandement attention au dosage optimal des politiques monétaire et économique». «Il semble que le sujet ait disparu de la conversation publique», a-t-il affirmé, ajoutant: «c'est bien dommage que le levier budgétaire semble avoir été totalement désactivé».

M. Fischer a aussi pris quelque peu le contre-pied de l'opinion de Mme Brainard sur le marché du travail et l'inflation.

«Depuis que l'inflation est sous notre cible de 2% et qu'on est proche du plein emploi, on prétend parfois que le lien entre le chômage et l'inflation a été rompu», a expliqué le vice-président de la Fed. «Je ne le crois pas. (...) Il existe. Et il se peut qu'on observe maintenant les signes d'une augmentation du taux d'inflation, ce que l'on souhaite», a-t-il assuré.

L'inflation sur un an aux États-Unis a fait un bond en janvier pour atteindre son plus haut niveau en 15 mois (1,3%), selon l'indice PCE, très observé par la Fed qui vise un objectif de 2% qu'elle estime sain pour l'économie.

Le gouvernement publie l'indice des prix à la consommation (CPI) pour février le 16 mars, jour même de la conclusion de la réunion monétaire de la Fed.