Le Parlement chinois réuni samedi en session annuelle doit entériner le nouveau plan quinquennal qui devra répondre aux défis du ralentissement économique du pays, à l'heure où le président, Xi Jinping, concentre son pouvoir et réduit toute forme d'expression publique.

Les travaux des quelque 2200 délégués à l'Assemblée nationale populaire (ANP), la chambre d'enregistrement des décisions du Parti communiste chinois (PCC), devraient ainsi être dominés par les anxiétés pesant sur l'évolution de la deuxième économie mondiale.

La Chine, avec 6,9% de croissance en 2015, a enregistré sa plus faible progression depuis 25 ans, affectant sérieusement l'activité mondiale.

Le premier ministre, Li Keqiang, dans son discours d'ouverture, devrait annoncer un objectif de croissance situé dans une fourchette comprise entre 6,5 et 7%, lui donnant une marge suffisante pour se préserver de mauvaises surprises.

L'ANP doit adopter le 13e plan quinquennal, qui déclinera le nouveau catalogue d'objectifs à atteindre d'ici 2021 dans une économie encore largement dominée par les grands groupes d'État sous direction communiste.

Leur réforme, programmée à maintes reprises, s'avère risquée socialement, notamment après l'annonce cette semaine de la mise au chômage attendue de 1,8 million de salariés de l'industrie du charbon et de l'acier.

«Le rôle essentiel de cette session de l'ANP est de calmer la nervosité populaire après les turbulences économiques de ces derniers mois», a commenté pour l'AFP Kerry Brown, expert de la Chine au King's College de Londres.

Pékin est soupçonné de s'être engagé dans une guerre des monnaies en procédant à des dévaluations compétitives pour favoriser ses exportations, ce qu'il dément.

Longtemps stable, le yuan a été soudainement dévalué de quelque 5% en août, dans la foulée de l'effondrement des Bourses chinoises, puis à nouveau en janvier.

«La communication des dirigeants a été bonne dans les autres domaines politiques, mais sur l'économie, leurs explications du moment sont confuses», a jugé M. Brown.

«Coeur du Parti»

Le déclin de la croissance chinoise s'accompagne d'un durcissement marqué des autorités à l'égard de toute forme d'opinion divergente, y compris dans ses propres rangs.

Depuis trois ans qu'il a pris les rênes du pays, Xi Jinping a concentré davantage de pouvoirs que ses prédécesseurs, Hu Jintao et Jiang Zemin.

Et depuis quelques mois, nombre de responsables, d'échelon encore local, ont appelé à ce qu'il soit désigné comme le «coeur du Parti», un terme jusque-là réservé à Mao Tsé-Toung, fondateur du régime, et à son successeur Deng Xiaoping, architecte des réformes et de l'ouverture chinoises.

«Xi va sûrement chercher à consolider plus encore son pouvoir durant l'ANP», a pronostiqué Joseph Cheng, ex-professeur à la City University de Hong Kong, selon qui il y a toutefois «quelque résistance à l'accumulation du pouvoir» par le président chinois.

Dans un pays où la presse est déjà sévèrement muselée, Xi Jinping a effectué le mois dernier une tournée des médias nationaux - l'agence officielle Chine nouvelle, la télévision d'État CCTV, et le Quotidien du peuple, organe du PCC - ordonnant aux journalistes de s'en tenir aux «informations positives» et d'«exprimer la volonté du Parti et protéger l'unité et l'autorité du Parti», selon Chine nouvelle.

«Stabilité sociale»

Plusieurs projets de loi doivent être examinés à l'ANP. Ils visent à resserrer plus encore le contrôle de l'État sur la société, notamment un sur la «cybersécurité» qui se donne comme objectif premier la «stabilité sociale» et suscite «l'inquiétude profonde» des autorités américaines.

Plus de 250 avocats et activistes chinois ont été mis derrière les barreaux depuis juillet et l'ONU s'est inquiétée ouvertement de ce que Pékin emprisonne des éléments jugés critiques, même en l'absence de tout délit constaté.

Sous Xi Jinping, les citoyens chinois les plus vulnérables font aussi l'expérience du recul de la tolérance officielle.

Mme Cao Yongfang, 63 ans, se bat depuis une décennie pour faire reconnaître ses droits par le gouvernement central - y compris au prix de séjours en camp de travail - après avoir été expulsée, illégalement selon elle, de son terrain.

Avant la session parlementaire, les «pétitionnaires» comme elle étaient régulièrement expulsés de Pékin. Mais le traitement est pire désormais et «beaucoup d'entre nous sont renvoyés d'où ils viennent», affirme-t-elle devant le bureau des plaintes à Pékin.