La Banque du Japon (BoJ) a surpris en annonçant vendredi l'instauration de taux d'intérêt négatifs, un nouvel outil à sa palette destiné à dynamiser une économie malmenée par les turbulences actuelles sur les marchés, mention Vide.

À la Bourse de Tokyo, cette annonce a fait bondir l'indice Nikkei qui a fini en hausse de 2,80 %.

« Le gouverneur Haruhiko Kuroda a bâti sa réputation en changeant de cap sans crier gare, et la décision de ce jour ne fait que conforter sa réputation », a réagi Capital Economics dans une note.

Début décembre, il se disait pourtant hostile à l'idée de faire payer les banques qui placent leurs liquidités dans ses coffres plutôt que de les prêter aux particuliers et entreprises. Il s'agit de la sorte de stimuler le crédit et donc l'activité économique.

Pourquoi agir maintenant après tant de mois de statu quo? « L'économie japonaise n'est pas isolée du reste du monde », a-t-il expliqué lors d'une conférence de presse.

« Il y a eu une grande volatilité sur les marchés financiers », a-t-il dit, évoquant aussi « les perspectives incertaines dans les pays émergents et exportateurs de matières premières, en particulier en Chine », partenaire commercial majeur du Japon.

Pour ces raisons, « il y a un risque grandissant » que le moral des entreprises japonaises soit affecté et la fin de la déflation retardée, a-t-il jugé. « C'est pourquoi nous avons décidé d'introduire les taux d'intérêt négatifs ».

La BoJ marche ainsi dans les pas de la Banque centrale européenne (BCE), devenue en juin 2014 la première grande banque centrale du monde à tester les taux négatifs.

Cette mesure, qui a été adoptée par une courte majorité (5 voix contre 4), pourrait être amplifiée « si jugé nécessaire », a précisé l'institution.

Le comité de politique monétaire a par ailleurs reconduit à l'identique son vaste programme de rachat d'actifs d'un montant actuel de 80 000 milliards de yens par an (près de 931,6 milliards de dollars).

Tâche titanesque 

La BoJ, qui agit de concert avec le gouvernement du premier ministre Shinzo Abe, est confrontée à une tâche titanesque pour vaincre 15 années de déflation. Ce phénomène pernicieux incite les consommateurs et les firmes à reporter achats et investissements dans l'attente de prix plus faibles encore, entraînant une spirale négative de ralentissement de l'activité, baisse des salaires et nouvelle baisse des prix.

Après des débuts encourageants, les effets de la politique de relance « abenomics » se sont essoufflés et les critiques se sont multipliées, accentuant la pression sur M. Abe qui vient en outre de perdre un des artisans de cette ambitieuse stratégie, le ministre de la Revitalisation économique Akira Amari, emporté par un scandale financier.

La reprise dans la troisième puissance économique mondiale reste fragile, dans un contexte de déclin démographique. Selon des statistiques publiées vendredi, l'inflation était quasi nulle en décembre, la consommation des ménages et la production industrielle ont encore chuté.

Et les turbulences récentes ne peuvent qu'aggraver la situation. Les cours du brut ont dégringolé au plus bas depuis 2003, les places financières ont trébuché - à Tokyo, le Nikkei a subi son pire début d'année depuis 1949 - et le yen s'est renforcé, un élément susceptible de heurter les profits des entreprises exportatrices nippones.

Les avis étaient partagés vendredi face à ce qui apparaît pour certains comme une solution de « dernier recours », à l'impact incertain, a commenté Koichi Fujishiro, de l'institut de recherche Dai-ichi Life, contacté par l'AFP. « Il y a le sentiment que la BoJ a peut-être épuisé tous les outils techniques à sa disposition », a-t-il dit.