L'Union européenne a prolongé lundi de six mois ses sanctions économiques contre la Russie au moment où les tensions commerciales augmentent d'un cran entre Kiev et Moscou, qui a imposé un embargo alimentaire à l'Ukraine malgré deux ans de négociations.

Le président russe Vladimir Poutine avait déjà suspendu la semaine dernière les tarifs préférentiels sur les échanges russo-ukrainiens en représailles à l'entrée en vigueur d'une zone de libre-échange entre l'Ukraine et l'UE au 1er janvier prochain.

«La zone de libre-échange avec l'UE commencera à fonctionner à partir du 1er janvier et personne ne l'empêchera», a répliqué sur Twitter le ministre des Affaires étrangères ukrainien, Pavlo Klimkine.

Vingt-deux rencontres en deux ans pour apaiser Moscou, qui craint de voir ses marchés inondés de produits européens, ont échoué en raison du manque de «flexibilité» de la Russie, a regretté la commissaire européenne Cecilia Malmström après une réunion «de la dernière chance» à Bruxelles avec M. Klimkine et le ministre russe de l'Économie, Alexeï Oulioukaïev.

L'échec de ces ultimes pourparlers, expressément mentionnés dans la déclaration politique accompagnant les accords de cessez-le-feu de Minsk, pourrait avoir des répercussions sur le conflit avec les rebelles prorusses soutenus par Moscou dans l'est de l'Ukraine, qui a fait plus de 9000 morts depuis avril 2014.

Les Européens considèrent que l'intégralité des accords de Minsk, notamment l'organisation d'élections dans les territoires séparatistes, doit être mise en oeuvre avant d'envisager de lever les sanctions qu'ils ont décrétées le 31 juillet 2014 contre la Russie.

Lundi, ils ont comme prévu reconduit pour six mois ces sanctions qui visent les secteurs russes de la banque, du pétrole ou de la défense, ce qui a provoqué de vives protestations de la part de Moscou.

«Force est de constater qu'au lieu d'établir une coopération pour contrer les défis clés actuels, comme le terrorisme international, Bruxelles préfère continuer le jeu à courte vue des sanctions», a dénoncé le ministère russe des Affaires étrangères.

Cette prolongation avait déjà reçu le feu vert des 28 États membres vendredi, lors d'une réunion de leurs ambassadeurs auprès de l'UE, dans la foulée d'un sommet des chefs d'État et de gouvernements européens qui avait soigneusement laissé de côté ce sujet clivant.

Menaces

Les Européens tenaient à procéder discrètement au moment où la communauté internationale a besoin de Moscou, grand défenseur du régime de Bachar al-Assad, pour trouver une solution à la guerre en Syrie et lutter de concert contre l'État islamique (EI).

Ils avaient donc ignoré la tentative du chef du gouvernement italien, Matteo Renzi, qui prenant le contrepied de Paris et Berlin, avait exigé un débat au sommet, au risque de faire réapparaître au grand jour les divisions entre pays de l'Est, tenants d'une ligne dure, et du Sud de l'Europe.

Moscou a appliqué dès l'été 2014 des mesures de rétorsion à ces sanctions, sous la forme d'un embargo alimentaire sur les exportations agroalimentaires de l'UE vers la Russie.

Mettant ses menaces, proférées depuis des mois, à exécution, Moscou a étendu cet embargo à l'Ukraine lundi.

La Russie ne cesse de répéter que l'accord commercial entre Bruxelles et Kiev risque d'inonder son marché de produits européens si elle ne prend pas des mesures de protection commerciale, ce que Bruxelles réfute.

«Tous les pays du monde ont le droit de conclure des accords de libre-échange avec d'autres», a plaidé Mme Malmström.

Kiev estime que l'embargo russe lui fera perdre 600 millions de dollars en exportations. La Commission a quant à elle chiffré à cinq milliards d'euros sur un an les pertes en exportations agricoles européennes vers la Russie, entre l'été 2014 et l'été 2015.

L'UE a également établi une «liste noire» de personnalités russes et ukrainiennes, qui sont interdites de visas et dont les avoirs sont gelés.

Une autre pomme de discorde est apparue au grand jour vendredi, lors du sommet européen, lorsque M. Renzi s'est opposé au projet controversé de gazoduc Nord Stream 2 entre l'Allemagne et la Russie, après l'abandon d'un pipeline similaire vers l'Italie.

Plusieurs pays de l'Est, qui veulent à tout prix casser la dépendance européenne au gaz russe, sont également vent debout contre ce projet, car «dans les années à venir» ont pourrait voir «l'Italie, une partie du gouvernement allemand et la France», qui y ont d'importants intérêts économiques, «pousser pour lever une partie des sanctions», selon Lauren Goodrich, analyste chez Stratfor Global Intelligence.