Fin de la descente aux enfers pour l'économie russe? Les statistiques commencent à confirmer que le pire de la crise est bien passé, comme l'affirment les autorités, mais la perspective d'une franche reprise semble encore loin.

Onze mois après le brusque décrochage de la monnaie russe, terrassée par l'effondrement du marché pétrolier et par les sanctions occidentales liées à la crise ukrainienne, le prix est lourd pour le pays et ses habitants: envolée des prix, pouvoir d'achat et consommation en berne, près de 70 banques en faillite...

La première estimation du produit intérieur brut au troisième trimestre, publiée jeudi par l'agence des statistiques Rosstat, confirme l'ampleur de cette crise sur l'activité économique, en contraction de 4,1% par rapport à la même période il y a un an.

L'indicateur apporte cependant une double source de relative satisfaction pour les autorités. Le PIB a baissé moins fortement non seulement par rapport au deuxième trimestre (-4,6% sur un an), mais aussi par rapport ce qu'avait prévu le gouvernement pour le troisième (-4,3%).

«Le pire de la récession semble derrière nous», en a conclu Liza Ermolenko, du cabinet Capital Economics. «L'intensité de la contraction de l'activité devrait continuer à se modérer dans les trimestres à venir. (...) Mais avec des prix du pétrole partis pour rester bas, la reprise s'annonce extrêmement lente», a-t-elle prévenu.

Cela fait des mois que les autorités affirment voir le bout du tunnel. Dès avril, Vladimir Poutine, populaire comme jamais, mais confronté à une crise monétaire sans précédent en quinze ans de pouvoir comme premier ministre ou président, avait affirmé que le «pic» des difficultés était passé.

Mais l'été avait douché ces espoirs, avec une rechute des cours du pétrole, entraînant le rouble avec eux et convainquant les organismes économiques internationaux à renoncer à leurs pronostics de retour à la croissance dès cette année.

Les Russes économisent

Cette fois, le scénario semble plus solide. Le ministre de l'Économie Alexeï Oulioukaïev a jugé cette semaine que l'économie avait touché le fond «en juin-juillet» et qu'elle n'irait «pas plus bas». Du point de vue statistique, cela signifie selon lui une baisse du PIB en glissement annuel plus faible au quatrième trimestre qu'au troisième et un retour à une évolution positive au deuxième trimestre 2016.

Mois sur mois, l'activité commence à afficher de légères progressions, selon son ministère.

M. Oulioukaïev a estimé que la prévision du gouvernement pour 2015 --baisse de 3,9% du PIB après une croissance de 0,6% en 2014-- pourrait se révéler par conséquent trop pessimiste.

Si l'économie russe semble décidée à repartir de l'avant, le mouvement s'annonce très fragile et insuffisant pour reprendre rapidement le terrain perdu comme cela avait été le cas après la crise de 2008-2009.

L'industrie reprend bien quelques couleurs, mais la consommation reste plombée par une chute du pouvoir d'achat record depuis quinze ans. Le nombre de Russes vivant sous le seuil de pauvreté dépasse 15% de la population (35% dans certaines régions).

Signe que les Russes se serrent la ceinture: les ventes de voitures neuves ont accéléré en octobre leur plongeon, qui a atteint 38,5% sur un an, selon les chiffres des constructeurs publiés mardi.

L'inflation, en dépit des attentes de ralentissement, reste très élevée, pénalisant encore le porte-monnaie de la population et empêchant la banque centrale de baisser ses taux pour relancer la machine.

Pour 2016, année marquée par des législatives à l'automne, le Fonds monétaire international prévoit pour l'instant un nouveau recul de 0,6% du PIB.