La quête des milliards de dollars qui manquent encore pour combattre le réchauffement climatique s'imposait jeudi à l'agenda des grands argentiers du globe, réunis à Lima sur fond de croissance mondiale fragilisée par les pays émergents.

« Il faut que la question financière soit aux 9/10e, pour ne pas dire à 100 %, dégagée » a affirmé le ministre français des Finances Michel Sapin, assurant que le succès de la conférence sur le climat qui se tiendra dans deux mois à Paris en dépendait.

Selon lui, de précédents sommets ont échoué précisément parce que la question financière avait été délaissée « comme un paquet de poussière ». « Comme il y avait de la poussière partout, (...) personne n'avait confiance », a ajouté M. Sapin, dans un quartier de la capitale péruvienne placé sous haute sécurité pour accueillir ministres et banquiers centraux de 188 États.

Selon les calculs de l'OCDE, seuls 62 milliards de dollars avaient été réunis fin 2014 sur les 100 milliards par an que la communauté internationale s'est engagée à amasser d'ici à 2020 pour limiter le réchauffement planétaire à +2 °C.

Comment combler ce trou? En mettant davantage à contribution les banques de développement comme le veut Paris? En instaurant la taxe carbone défendue par le FMI?

Les grandes puissances industrialisées et émergentes du G20 Finances doivent en débattre jeudi soir avant de publier un communiqué final vendredi qui entérinera par ailleurs le plan de l'OCDE contre l'optimisation fiscale des entreprises.

L'enjeu n'est pas simplement financier. « Le changement climatique affecte tous les pays et tous les individus mais il frappe plus durement les plus pauvres », a estimé le président de la Banque mondiale Jim Yong Kim.

Le «V20», les 20 pays les plus vulnérables

Les pays les plus vulnérables au réchauffement climatique ont d'ailleurs formé jeudi un groupe baptisé V20 (V pour « Vulnérables ») pour tenter de sensibiliser la communauté internationale aux menaces qui pèsent sur eux.

« Nous regroupons 700 millions de personnes (...) et nous sommes unis dans notre vulnérabilité face aux changements climatiques », a expliqué ce tout nouveau groupe où figurent de petites îles (Maldives) comme des pays à faible revenu (Ghana).

« Le changement climatique (...) est aussi un problème économique fondamental qui requiert des solutions financières, » a estimé la responsable du climat à l'ONU Christiana Figueres.

Faible croissance économique

Cet appel pourrait toutefois avoir du mal à porter au moment où s'amoncellent les craintes d'une croissance économique atone dans les marchés émergents.

« (La croissance) n'est simplement pas suffisamment forte pour répondre aux demandes des 200 millions de personnes sans emploi », a estimé la patronne du FMI Christine Lagarde.

Au coeur des inquiétudes, la Chine devrait ainsi connaître sa plus faible croissance en 25 ans, faisant trembler une cohorte de pays émergents qui dépendent étroitement de l'appétit du géant asiatique pour les matières premières.

La menace résonne particulièrement en Amérique du Sud où de nombreux pays pourraient également pâtir du prochain changement de cap monétaire américain, qui risque de les priver de capitaux.

« Beaucoup des défis qui nous attendent ne sont pas monétaires », a jugé le président de la Banque centrale mexicaine Augusto Carstens. « L'Amérique du Sud est menacée par un choc sur les matières premières qui affecte bien sûr la croissance ».

Le sous-continent, qui accueille un sommet FMI-Banque mondiale pour la première fois en près de 50 ans, est toutefois bien armé, selon le ministre brésilien des Finances Joaquim Levy.

« La plupart de nos pays n'ont pas de problèmes financiers, nous n'avons pas de bulles », a-t-il clamé.

La planète dans son ensemble n'est toutefois pas à l'abri de fortes secousses financières. « Ce qui est le plus inquiétant (...) c'est l'accumulation de dette en dehors du secteur bancaire », a ainsi mis en garde le gouverneur de la Banque d'Angleterre Mark Carney.

L'ONG de lutte contre la pauvreté Oxfam a, elle, regretté que le thème des inégalités reste le parent pauvre des discussions alors l'Amérique du Sud est la région du monde « la plus touchée » par ce mal. « C'est une occasion manquée », a dit l'organisation.

Le FMI a en revanche profité de sa présence dans la région pour tenter de tourner la page des relations parfois acrimonieuses entre l'institution et l'Amérique latine dans les années 80-90.

« Nous sommes des partenaires, nous ne sommes pas d'horribles prescripteurs (de mesures économiques) », a plaidé Mme Lagarde.