Après cinq mois de répit, la zone euro est retombée en déflation, une mauvaise nouvelle pour la Banque centrale européenne (BCE) de nouveau sous pression pour faire plus, même si les prix devraient repartir à la hausse en fin d'année, selon plusieurs analystes.

Les prix ont reculé de 0,1% sur un an en septembre, a indiqué mercredi l'office Eurostat, avec une baisse de 0,2% des prix en Allemagne, la première économie de la région, et une chute de 1,2% en Espagne. Les analystes tablaient sur une stabilité des prix (0%) dans la zone euro.

Dans le même temps, le nombre de chômeurs a reculé de seulement 1.000 en août, laissant le taux de chômage à 11% comme en juillet.

C'est une «pression supplémentaire sur la BCE pour qu'elle augmente son programme de rachat d'actifs», estime Jack Allen, de Capital Economics.

La BCE, qui a pour mission de maintenir le niveau de l'inflation légèrement en deçà de 2%, rachète depuis mars environ 60 milliards d'euros de dettes chaque mois. Le «QE», acronyme anglo-saxon désignant ce programme, prévoit au total 1.140 milliards d'euros de rachats d'ici à septembre 2016.

Face à une inflation atone et une croissance timide, l'institut monétaire a d'ores et déjà évoqué la possibilité d'étendre le programme au-delà de 2016 «si nécessaire».

Pour l'agence de notation Standard & Poor's, l'affaire est entendue: la BCE devrait prolonger son programme «probablement jusqu'à la mi-2018. L'engagement total pourrait atteindre 2.400 milliards d'euros, soit plus du double du montant initial», avance-t-elle mercredi en publiant des prévisions sur la zone euro. Reste à savoir quand la banque centrale pourrait appuyer sur l'accélérateur.

Pour Johannes Gareis de Natixis, le scénario le plus probable est une annonce en décembre, quand l'institut monétaire publiera ses nouvelles prévisions économiques pour la région.

Changement de tendance en vue

Si la BCE est une nouvelle fois sous pression, l'horizon est moins sombre qu'en début d'année. «Il est peu probable que la déflation présente un danger dans la zone euro», souligne l'économiste. Pour preuve, l'inflation sous-jacente (hors énergie, produits alimentaires, boissons alcoolisées et tabac), plus révélatrice, est restée stable à 0,9% en septembre.

C'est la chute des prix de l'énergie (-8,9% contre -7,2% en août) qui a entraîné à la baisse l'ensemble des prix dans la zone euro. En revanche, les prix se sont maintenus dans les secteurs de l'alimentation, l'alcool et le tabac (1,4%, comparé à 1,3% en août), des services (1,3%, comparé à 1,2% en août) et des biens industriels non énergétiques (0,3%, comparé à 0,4% en août).

Mario Draghi, le président de la BCE «va devoir faire avec une inflation proche de zéro pendant encore quelques mois, avec le secteur de l'énergie pesant sur les prix. À partir de décembre cependant, l'énergie va devenir un facteur moins important», ce qui devrait permettre de revenir entre 0,5% et 1%, estime Teunis Brosens, analyste pour la banque ING.

La relance de l'économie, le niveau toujours faible de l'euro et la prise en compte par les marchés d'une possible hausse des cours du pétrole devraient inverser la tendance, parient les observateurs.

Le président de la Bundesbank, Jens Weidmann, est sur cette ligne. «La politique monétaire doit regarder au-delà des fluctuations de l'inflation liées aux prix de l'énergie, car celles-ci sont temporaires et la conjoncture se renforce via une hausse du pouvoir d'achat», a-t-il jugé mardi lors d'une réunion devant la presse en Allemagne.

«Et contrairement au débat de janvier, le redressement économique en zone euro s'est depuis renforcé. Les craintes de déflation, qui étaient déjà exagérées à l'époque, ont continué à se dissiper», a estimé le gouverneur de la BCE, connu pour ses positions conservatrices.