L'inflation en Chine a accéléré en août mais les prix à la production ont encore chuté, signalant une conjoncture toujours fragile, alors que le premier ministre Li Keqiang s'efforçait jeudi de rassurer sur la transition économique «douloureuse» du pays au terme d'un été tumultueux.

La deuxième économie mondiale «ne connaîtra pas d'atterrissage brutal», a martelé le dirigeant lors d'un discours au Forum économique mondial à Dalian.

Les autorités ne réagiront pas aux «soubresauts du court terme» tant que l'économie évolue dans «la fourchette appropriée», et le cas échéant «nous avons des moyens convenables pour gérer la situation», a assuré M. Li.

Les marchés financiers mondiaux avaient violemment décroché courant août, saisis par un regain d'inquiétude sur la santé vacillante de l'économie chinoise et de doutes sur l'efficacité de la politique menée par Pékin.

Les indicateurs mitigés publiés jeudi n'étaient guère de nature à rassurer.

La hausse des prix à la consommation, principale jauge de l'inflation, s'est certes établie à 2% sur un an le mois dernier, contre 1,6% en juillet, selon le Bureau national des statistiques (BNS).

C'est mieux que l'accélération à 1,8% qu'anticipaient les économistes interrogés par Bloomberg, et très en deçà du niveau cible officiel des 3%.

Alors que l'inflation avait glissé en janvier sous 1% pour la première fois en cinq ans, laissant planer le spectre d'une spirale déflationniste, elle a vigoureusement remonté depuis.

Mais le sursaut d'août est en trompe-l'oeil: il s'explique «presque entièrement» par la hausse des prix alimentaires, qui se sont appréciés de 3,7% sur un an, observait Julian Evans-Pritchard, du cabinet Capital Economics.

En particulier la viande de porc, poids lourd de l'indice, s'est renchérie de 20% sur un an, et selon l'expert, la chute de la population porcine nationale devrait continuer de doper les prix sur les prochains mois. Les tarifs des légumes frais ont eux grimpé de 16% sur un an.

Transition «semée d'embûches»

De son côté, l'indice mesurant l'évolution des prix à la vente à la sortie d'usine (PPI) confirmait l'assombrissement général de la conjoncture.

Il a reculé en août pour le 42e mois consécutif, plongeant de 5,9% sur un an --son plus fort repli depuis six ans--, alors que l'industrie continue de sabrer ses prix de vente face à une demande toujours atone.

Le secteur manufacturier s'est nettement contracté le mois dernier, plombé par de graves surcapacités et sous l'effet d'un net affaiblissement des exportations comme de la consommation intérieure.

«C'est assez inquiétant. La déflation (du PPI) s'est encore aggravée au cours du troisième trimestre, de concert avec un ralentissement de l'économie», observaient les analystes de la banque Nomura.

Li Keqiang s'est attaché jeudi à tempérer la gravité de cet essoufflement et les risques de contagion internationale.

«La Chine n'est pas une source de risques pour le monde, au contraire elle reste une robuste source de croissance», a-t-il fait valoir, rappelant qu'elle représentait quelque 30% de la croissance mondiale au premier semestre.

Pékin vante ses efforts de rééquilibrage pour passer d'un modèle économique basé sur les investissements dans les infrastructures, sur l'industrie lourde et les exportations, à une croissance alimentée par la consommation intérieure, les services et une montée en gamme industrielle.

«C'est un processus douloureux et semé d'embûches (...) Des à-coups dans les performances économiques sont inévitables», a prévenu Li.

Dans ce contexte, le premier ministre a défendu les interventions massives mais «adéquates» du gouvernement pour enrayer cet été la dégringolade des Bourses locales - même si cela contraste avec sa volonté d'accorder «un rôle crucial» au marché.

Il a également justifié la soudaine dévaluation du yuan en août. «Nous ne voulons pas d'une guerre des devises», a-t-il précisé.

Mais la Chine semble toujours en quête d'une martingale pour relancer véritablement l'activité.

Après les résultats peu probants de ses cinq baisses de taux d'intérêt depuis fin 2014, Pékin «doit adopter des mesures de relance budgétaire, en dopant les investissements dans les infrastructures», estimait-on chez Nomura.

Le gouvernement s'est engagé cette semaine à muscler ses dépenses publiques et à élargir les rabais fiscaux consentis aux entreprises. La Chine «est capable» de maintenir une croissance forte, a asséné Li Keqiang.

La croissance chinoise avait glissé en 2014 à 7,3%, selon un chiffre révisé en baisse cette semaine, au plus bas depuis presque un quart de siècle. Le gouvernement mise sur un ralentissement à «environ +7%» cette année.