Pékin tente de rééquilibrer la deuxième économie mondiale vers une «nouvelle norme» de croissance ralentie, mais la débâcle boursière complique ses efforts et son impuissance à redresser les marchés tout comme à relancer l'activité avive les craintes de contagion au reste du monde.

Après des décennies de croissance à deux chiffres qui ont transformé la Chine, les autorités veulent convaincre que l'avenir passera par une hausse de l'activité plus modérée mais durable, soutenue par la consommation intérieure plus que par les exportations et investissement.

Mais la manoeuvre se fait dans la douleur.

La Chine a dévalué sa monnaie d'environ 2% le 11 août, assurant qu'il s'agissait de rapprocher le yuan de sa valeur «réelle» mais ce geste a été interprété comme un effort pour relancer ses exportations et a suscité les interrogations sur l'état des finances du pays.

Les derniers indicateurs ont confirmé le ralentissement de l'économie, un indice-clé de l'activité manufacturière étant ainsi tombé en août au plus bas depuis six ans.

Dernière tentative pour relancer l'activité, la banque centrale a annoncé mardi une nouvelle baisse de ses taux d'intérêt, la cinquième depuis novembre, et a réduit les ratios obligataires des banques pour qu'elles puissent prêter plus facilement.

«La Chine est au bout de son miracle d'une croissance tirée par l'investissement», a déclaré Michael Pettis, professeur de finances à l'Université de Pékin, à l'AFP.

«Le problème est que l'ajustement va être plus beaucoup douloureux que prévu».

Pour leur part, les investisseurs tentent de limiter leurs pertes depuis le plongeon du principal marché boursier chinois qui a perdu 40% depuis son plus haut de la mi-juin, en dépit des interventions des autorités.

«J'estime qu'il s'agit d'une crise de confiance ou d'une démonstration d'un manque de leadership», affirme Fraser Howie, analyste indépendant auteur d'un ouvrage sur l'expansion chinoise.

«Quel changement depuis l'époque de ces mandarins économiques capables de marcher sur l'eau!», ajoute-t-il.

Un plan sans effet

Pendant la crise financière asiatique de 1997-98, la Chine a fait figure de pôle de stabilité.

Lors de la crise financière de 2008, Pékin a lancé un plan de relance de 4000 milliards de yuans (actuellement 625 milliards de dollars) considéré comme une bouée de sauvetage salutaire pour l'économie mondiale.

Mais cette fois, les mesures prises par le gouvernement sont jugées plutôt inefficaces.

Après l'effondrement boursier en juin, il a décidé d'achats massifs d'actions et l'interdiction pour les grands investisseurs de vendre leurs titres.

L'indice de la Bourse de Shanghai s'était dans un premier temps redressé avant de chuter de 8,49% lundi, son plus fort plongeon depuis février 2007, qui a effacé ses gains de l'année. La secousse s'est propagée aux autres places boursières mondiales. L'indice a encore chuté de 7,63% mardi.

«Je pense que cela a été une mauvaise idée de commencer comme cela», a dit Howie à propos de ce plan de sauvetage. «Il a été mal mis en oeuvre et ne montre aucun effet d'entraînement».

Selon des analystes, le marché boursier ne reflète guère l'économie réelle qui montrait déjà des signes d'essoufflement mi-juin quand les actions affichaient encore une hausse de 150% sur 12 mois.

«La conjugaison de mauvaises statistiques et de l'inaction politique en Chine pourrait être à l'origine de la chute des marchés lundi», estime l'économiste en chef de Capital Economics pour l'Asie, Mark Williams, dans une note.

«Mais on assiste plus généralement à l'implosion inévitable d'une bulle boursière».

Atterrissage en douceur à tout prix

La Chine compte pour plus de 13% de l'activité mondiale et est le premier acteur commercial mondial pour les biens. Son rôle est crucial pour l'économie mondiale. La dévaluation du yuan a touché les autres grands pays émergents et suscite la crainte d'une guerre des monnaies.

Les analystes s'attendent généralement à une croissance inférieure à l'objectif de 7% fixé par les autorités pour 2015, après une hausse de 7,4% en 2014 qui constituait déjà le plus faible accroissement du PIB depuis 1990.

«L'économie montre des signes de faiblesse avec des exportations décevantes et des investissements vacillants dans les infrastructures», note l'économiste d'UBS pour la Chine, Wang Tao, qui attend une croissance de 6,8% cette année.

Le gouvernement peut encore réussir un atterrissage en douceur de l'économie chinoise, en abaissant encore ses taux par exemple.

«Le gouvernement va tout faire pour stabiliser la croissance à 6,5%-7%», selon Wang.