Les dévaluations successives du yuan assombrissent l'espoir d'un redressement durable des exportations canadiennes nourri par les données du commerce de marchandises en juin. Le bond de 6,3 % de la valeur des exportations et la diminution du déficit de 3,37 milliards en mai à moins de 500 millions en juin avaient provoqué un immense soulagement lors de la publication des données, la semaine dernière.

On a pu voir dans cette amélioration l'effet bienfaisant tant attendu de la forte dépréciation du huard amorcée l'automne dernier.

C'était sans compter sur le fait que la Chine semble décidée à laisser flotter de plus en plus le yuan. Les spéculateurs tenteront de déprécier davantage le yuan, ce qui aura l'heur de plaire à Pékin qui souhaite stimuler la compétitivité de ses produits. Contrairement aux autres grandes monnaies, le yuan s'est peu dévalorisé face au billet vert depuis un an.

Cela devrait aussi déprimer les cours des matières premières, autre élément central du bilan commercial canadien.

Avant le coup de théâtre pékinois, on était en droit de croire à la poursuite du redressement de notre balance commerciale au cours des mois à venir. Selon une modélisation réalisée par CIBC, il faut attendre jusqu'à six trimestres pour qu'une dépréciation de 10 % de la monnaie se traduise par une augmentation de 6 % des livraisons à l'étranger. Le pic serait donc atteint au printemps.

C'est sans compter toutefois sur le fait que la plupart des monnaies se sont aussi dépréciées face au billet vert.

En outre, bien des capacités manufacturières canadiennes sont disparues, dans la foulée de la forte poussée du huard face au billet vert, entre 2004 et 2014 (à l'exception de son court plongeon durant la Grande Récession).

Avant que les capacités n'augmentent, les grandes entreprises manufacturières devront avoir acquis la conviction que notre monnaie restera faible longtemps face au billet vert et choisissent le Canada comme pied-à-terre d'une éventuelle expansion. Cela peut prendre du temps.

C'est pourtant un préalable pour que le Canada profite des nouveaux grands accords commerciaux (Partenariat transpacifique et Accord économique et commercial global).

Exporter l'intangible

Dans un monde de guerre des monnaies que la Chine paraît esquisser, le Canada peut toutefois difficilement tirer son épingle du jeu, compte tenu de son faible poids.

Il a davantage à gagner en misant sur d'autres avantages compétitifs comme son expertise dans les services financiers, informatiques ou d'intendance.

Les données statistiques sur lesquelles on se fie pour prendre le pouls de nos échanges commerciaux agissent comme un miroir déformant : trop d'importance est accordée aux biens, au détriment des services.

À la différence des statistiques américaines, les données mensuelles canadiennes sur le commerce international ne traitent que des échanges de marchandises.

C'est sur une base trimestrielle seulement qu'on prend, par exemple, le pouls de l'industrie touristique.

Bien d'autres types de services échappent aux statisticiens, car ils ne traversent pas les frontières : l'entretien au pays de matériel aéronautique vendu à l'étranger, la préparation d'un logiciel de gestion pour un parc de camions ou d'autocars, la gestion de fonds communs de placement en sont seulement quelques exemples.

Ces activités sont en forte croissance depuis le début du millénaire, en dépit de la force du huard de 2004 à 2014, selon une étude approfondie de Jacqueline Palladini, du Conference Board du Canada.

Les statistiques officielles ne reflètent pas non plus la part grandissante des services dans la vente de marchandises. Ainsi, le transformateur néo-écossais de fruits de mer Clearwater a pignon sur rue en Asie, où l'on enseigne à des restaurateurs comment apprêter ses produits. Cette démarche stimule les ventes.

Autre exemple : des firmes d'ingénierie dépêchent du personnel qualifié sur les chantiers où elles agissent en maîtres d'oeuvre ou sous-traitants.

Les infrastructures portuaires ou ferroviaires jouent aussi un rôle dans les chaînes de valeur mondialisées (CVM) au sein desquelles on retrouve des maillons essentiels comme la conception, la livraison des pièces ou la mise en marché d'un produit complexe (avion, scanner, robot, etc.)

À chacun de ces échanges, il y a une valeur ajoutée difficile à capter par les statisticiens.

On sait à coup sûr que les services représentent plus des deux tiers de l'économie canadienne et qu'ils occupent quatre travailleurs sur cinq.

Les décideurs sont conscients de ces réalités, mais ils n'en comprennent peut-être pas toute la portée.

Pour les y aider, il faut parvenir à mieux mesurer le poids réel des services dans les échanges commerciaux, moins directement frappés par les taux de change.

Il est bien fini, le temps où l'on concevait les services comme des activités non exportables comme la coiffure, la blanchisserie ou la cordonnerie...

INFOGRAPHIE LA PRESSE

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