La Grèce a entrepris lundi de payer à la BCE et au FMI plus de six milliards d'euros, tout en rouvrant ses banques, quoiqu'avec des services encore très limités, après trois semaines de fermeture, et en augmentant de manière importante la TVA.

Grâce aux 7,16 milliards d'euros débloqués en urgence vendredi par l'UE, la Grèce a pu rembourser ses deux arriérés au Fonds monétaire international (FMI) de 1,56 milliard d'euros dus le 30 juin, et de 457 millions d'euros dus le 13 juillet. Elle a pu aussi verser juste à temps à la Banque centrale européenne (BCE) 4,2 milliards d'euros, principal et intérêts, dus lundi même.

Par ailleurs, toutes les succursales des banques du pays ont recommencé à accueillir les clients qui se sont présentés aux guichets en nombre, mais sans affluence exceptionnelle, ont constaté des journalistes de l'AFP.

Les services offerts restent en effet encore très limités, légèrement assouplis par rapport au contrôle des capitaux instauré depuis le 29 juin.

Les Grecs peuvent recommencer à utiliser leurs cartes de crédit pour des achats à l'étranger. Des exceptions sont aussi créées pour ceux devant payer des soins médicaux ou des études hors de Grèce.

Auparavant, les Grecs pouvaient retirer un maximum de 60 euros par jour et par personne aux distributeurs, et seuls les retraités pouvaient aller aux guichets restés ouverts pour cela afin de retirer 120 euros par semaine.

Désormais, il sera possible par exemple de retirer 300 euros (5 x 60 euros) d'un seul coup vendredi -- puis 420 euros (7 x 60) le vendredi suivant, tandis que les conditions «distributeurs» s'appliqueront aussi aux guichets, pour toute personne dépourvue de carte de retrait.

L'argent plus en sécurité à la banque

Louka Katseli, présidente de l'Union des banques grecques et de la Banque nationale de Grèce, l'un des quatre principaux groupements bancaires du pays, a appelé les usagers à ramener leurs économies dans les banques pour soutenir la solvabilité du système.

«Si nous sortons l'argent de nos coffres-forts et de nos maisons -où de toute façon, il n'est pas en sécurité- et que nous le déposons dans les banques, nous renforçons la liquidité» de l'économie, a-t-elle déclaré sur la chaîne de télévision Mega, rappelant que quelque 40 milliards d'euros avaient été retirés des banques grecques depuis décembre, dégradant considérablement leur situation.

La TVA passe elle lundi de 13% à 23% pour les denrées non périssables et la restauration, mais aussi les courses de taxis, les préservatifs, ou encore les enterrements.

Elle reste inchangée à 13% pour l'hôtellerie, et est légèrement réduite à 6% pour les médicaments, les livres et les places de spectacle.

Le gouvernement espère des recettes supplémentaires annuelles de quelque 2,4 milliards d'euros à partir de 2016 et de 795 millions d'euros cette année.

Le Parlement grec avait voté dans la douleur mercredi ces hausses de TVA, conformément aux engagements pris lors d'un sommet européen mouvementé à Bruxelles. En échange, ses partenaires ont promis un nouveau plan d'aide, le troisième depuis 2010.

Il va falloir s'y mettre vite, car les 7,16 milliards vont être quasi engloutis dès lundi, la Grèce ayant également décidé de rembourser un prêt de 500 millions d'euros de la Banque de Grèce.

En même temps qu'un troisième plan, qui serait d'un montant d'au moins 80 milliards d'euros, la Grèce espère une réduction de son énorme dette qui atteint 175% du PIB.

Tsipras dernier à choisir la division

Mais la chancelière allemande Angela Merkel a répété dimanche son opposition à une réduction «classique» de la dette grecque. «Il ne peut pas y avoir dans l'union monétaire de 'haircut' classique, c'est-à-dire la réduction de 30, 40% de la dette», a-t-elle dit, sans fermer la porte à d'autres formes d'allègement.

Pour la première fois depuis des mois, des experts de la BCE, du FMI et de la Commission européenne, une formation auparavant appelée «troïka» et qui a symbolisé pour les Grecs une mise sous tutelle de leur pays, sont attendus à Athènes cette semaine.

Ils devront évaluer l'état d'une économie grecque éprouvée par les restrictions financières.

La semaine sera aussi cruciale pour l'avenir du Premier ministre Alexis Tsipras. L'accord de Bruxelles exige le vote mercredi de nouvelles réformes (justice civile, législation bancaire).

Selon le journal Avgi, proche de Syriza, M. Tsipras veut faire de ce nouveau vote un «crash test» et démissionner si les défections augmentent. Mercredi dernier, il avait perdu 39 voix sur les 149 députés que compte son parti de gauche radicale, certains élus estimant qu'il avait trahi le référendum du 5 juillet, quand les Grecs avaient massivement voté contre une poursuite de l'austérité.

M. Tsipras a même enregistré les critiques du prix Nobel d'économie Paul Krugman, jusqu'à présent l'un des plus virulents contempteurs des mesures d'austérité imposées à Athènes: «J'ai peut-être surestimé la compétence du gouvernement grec.»

Le ministre d'État Nikos Pappas, bras droit de M. Tsipras, a adressé de son côté dans le Journal des rédacteurs (Ephimerida ton syndakton) un message aux frondeurs du parti, affirmant que le «Premier ministre sera le dernier à choisir la division» mais n'est pas prêt à céder à la pression des «pro-drachme» du parti: «(...) ce qui m'inquiète c'est de voir que certains (à l'intérieur de Syriza) continuent d'affirmer qu'en sortant de l'euro, on peut stopper l'austérité (..) les valeurs de Syriza ne sont pas celles d'un changement de monnaie à la Schäuble, ni d'un mémorandum de la drachme», explique-t-il.