Le premier ministre grec Alexis Tsipras doit faire adopter mercredi par le Parlement grec les mesures impopulaires exigées par les créanciers d'Athènes en contrepartie du maintien de la Grèce dans la zone euro.

Le Fonds monétaire international (FMI) lui a apporté un soutien en déclarant que la zone euro devait faire plus pour la Grèce et qu'il faudrait peut-être effacer une partie de sa dette, dans un rapport publié mardi.

«La dette de la Grèce ne peut désormais être viable qu'avec des mesures d'allègement de la dette qui vont beaucoup plus loin que ce que l'Europe a envisagé de faire jusque-là», écrit le FMI.

Le Fonds assure qu'actuellement la dette grecque est «totalement non-viable» et prévoit qu'elle approchera les 200% de son produit intérieur brut dans «les deux prochaines années», contre un ratio d'environ 175% actuellement

A Athènes, certains des partisans du premier ministre estiment que l'accord arraché au terme d'une nuit de négociations lundi matin à Bruxelles constitue une trahison de la volonté populaire exprimée dans les urnes le 5 juillet, quand 61% des Grecs ont dit «non» à l'austérité.

Toutefois le gouvernement, comme l'avaient exigé lundi les 18 autres États membres de la zone euro, s'est plié aux demandes de ces derniers en soumettant mardi en début de soirée au Parlement un premier projet de loi, portant notamment sur la TVA et l'introduction d'une règle d'or budgétaire.

C'est la condition nécessaire, et pas suffisante, à la poursuite d'un processus qui pourrait aboutir à la signature dans quelques semaines d'un nouveau plan d'aide d'environ 82 milliards d'euros à la Grèce, assorti de discussions sur un aménagement de la dette.

«Cet accord va passer avec les voix de l'opposition, pas avec celles du peuple», a prévenu le ministre de l'Energie Panagiotis Lafazanis. De fait, Nouvelle Démocratie (conservateurs), Pasok (socialistes) et Potami (centre gauche) ont promis qu'ils voteraient la loi.

Vendredi dernier, au moment du vote sur le principe des négociations, 17 députés Syriza sur 149 avaient fait faux bond à M. Tsipras, en votant non, s'abstenant ou étant absents. Et 15 autres avaient indiqué voter oui, mais avec l'idée de voter non au moment du vote des mesures proprement dites.

Le programme d'abord, les procédures du parti ensuite 

Face à cette contestation, le premier ministre s'est expliqué à la télévision publique ERT pendant une heure mardi soir.

Sans détails sur ce qu'il s'était décidé au sein du parti dans la journée, M. Tsipras a assuré qu'il «faut d'abord assurer le programme, et la stabilisation de l'économie, après on aura le temps de s'occuper des procédures du parti».

Au passage, il a salué son allié de droite souverainiste au sein de la coalition au pouvoir, Panos Kammenos, «resté à ses côtés». Mais il a taclé son ex-ministre des Finances Yanis Varoufakis, «un excellent économiste, mais pas forcément un bon politique».

Alexis Tsipras a franchement reconnu avoir pu faire «des erreurs», avoir signé un texte auquel il ne croit pas forcément, mais «pour éviter un désastre au pays», une sortie de l'euro aux conséquences incalculables. Et il a averti que les banques allaient probablement restées fermées encore un mois pour «éviter» que les Grecs aillent retirer tout leur argent d'un coup.

Il a évoqué en termes très libres la nuit de l'accord, «une mauvaise nuit pour l'Europe», avec des Européens dans une position «dure et vindicative», à l'exception de pays «comme la France, l'Autriche, Malte, et Chypre».

Se disant «absolument convaincu d'avoir conduit les négociations jusqu'à l'extrême», il a rappelé être allé jusqu'à ne pas payer l'échéance de juin du FMI, avoir lancé un référendum en forme de défi aux créanciers, et avoir fait sortir le pays sans filet du précédent programme d'aide le 30 juin.

Mais il a fait comprendre que la sortie de l'euro dont on l'a menacé ce week-end à Bruxelles avait été sa limite.

«Un premier ministre doit livrer des batailles, et dire la vérité, prendre des décisions et ne pas s'évader», a-t-il dit, «c'est comme un capitaine sur un bateau en difficulté, le pire serait d'abandonner le bateau».

Malgré la fatigue, et la difficulté de l'accord rapporté de Bruxelles, M. Tsipras est apparu plutôt sûr de lui. Peut-être, entre autres, à cause d'un sondage publié dans la soirée.

Selon cette enquête Kapa Research pour le journal To Vima, réalisée sur un échantillon de 700 personnes, les Grecs sont partagés sur les responsabilités de «ces mesures difficiles» (48,7% les imputant aux créanciers et 44,4% au gouvernement), et sur leur efficacité (51,5% les jugent positives, 47,1% négatives).

En revanche, 72% jugent l'accord «nécessaire», et 70,1% jugent que le Parlement doit l'adopter.

Pendant ce temps, les partenaires européens d'Athènes se sont efforcés mardi de trouver les financements d'urgence promis à la Grèce, le temps que le troisième plan soit bâti.

Dette privée honorée 

La Grèce doit trouver 12 milliards d'euros d'ici la fin août, y compris pour rembourser la Banque centrale européenne et le Fonds monétaire international (FMI). Dans la nuit de lundi à mardi, la Grèce a une nouvelle fois échoué à honorer un paiement au FMI.

L'État grec a néanmoins réussi mardi à rembourser 148 millions d'euros à des créanciers privés au Japon. Une goutte d'eau par rapport à une dette totale de près de 312 milliards d'euros. Mais Athènes continue à honorer autant que possible sa dette privée, car un défaut au secteur privé peut entraîner des conséquences beaucoup plus graves qu'aux créanciers publics.

Mercredi, jour du vote, les fonctionnaires sont appelés à la grève par leur syndicat Adedy, la première depuis l'arrivée de Syriza au pouvoir en janvier, et par des manifestations anti-rigueur lors du débat parlementaire.