Vingt-quatre heures après l'accord arraché à Bruxelles pour un nouveau plan d'aide, les partis au pouvoir à Athènes examinent mardi les lourdes mesures de rigueur que la Grèce doit adopter en contrepartie de son maintien dans la zone euro.

À Bruxelles, l'Eurogroupe doit continuer à travailler sur un financement transitoire qui permettra à Athènes de faire face à son besoin urgent de fonds.

Les groupes parlementaires des deux partis du gouvernement de coalition, la formation de gauche radicale Syriza du Premier ministre Alexis Tsipras et le parti souverainiste des Grecs Indépendants (ANEL), vont examiner le projet de loi sur les nouvelles mesures de rigueur dont Bruxelles exige la validation par le Parlement grec mercredi au plus tard.

Lundi matin, au terme de près de 48 heures de négociations aux allures de psychodrame ponctuées de coups d'éclat, de revirements et fausses annonces, les 19 dirigeants de la zone euro ont validé un projet de troisième plan de secours pour Athènes, évalué à entre 82 et 86 milliards d'euros sur trois ans.

Selon le plan validé à Bruxelles, le gouvernement de M. Tsipras doit faire voter en moins de 48 heures plusieurs lois de réformes pour pouvoir commencer à négocier et toucher l'aide promise dans plusieurs semaines.

Si le Parlement grec vote ces lois (hausse de la TVA, réforme des retraites, notamment) et s'il approuve le plan européen, les Parlements d'autres pays pourront voter pour autoriser leurs gouvernements respectifs à négocier le plan, soumis à de nombreuses autres conditions (nouvelles réformes, privatisations, etc). Le Bundestag devrait ainsi voter vendredi.

Aide transitoire 

L'économie grecque, asphyxiée par les contrôles de capitaux en place depuis la fin juin pour éviter la mort des banques, est dans un tel état de délabrement que l'Eurogroupe s'est réuni lundi pour mettre en place une aide transitoire devant permettre à la Grèce de faire face à ses besoins immédiats, évalués à 12 milliards d'euros d'ici à fin août.

Mais les ministres des Finances ont jugé l'opération «très complexe» et ont désigné un comité ad hoc qui doit vite trouver un montage.

Les experts ont travaillé dans la journée et la soirée de lundi. Les adjoints des ministres doivent examiner la question mardi, ensuite «nous aurons probablement une conférence téléphonique des ministres sur ce sujet précis», a déclaré Jeroen Dijsselbloem, réélu lundi président de l'Eurogroupe.

En attendant, la Banque centrale européenne (BCE) a maintenu à flot Athènes - qui a de nouveau fait défaut lundi sur sa dette vis-à-vis du Fonds monétaire international (FMI) - en prolongeant à nouveau ses aides d'urgence aux banques grecques.

Le délai de la fermeture des banques expirait lundi soir mais le gouvernement a décidé son prolongement jusqu'à mercredi, lors d'une nouvelle réunion prévue de la BCE sur la Grèce.

L'accord de lundi éloigne le spectre d'une sortie désordonnée de la Grèce de la monnaie unique, même si les ministres des Finances l'avaient envisagée dimanche. «Le Grexit a disparu», a déclaré à l'AFP le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker.

Mais les contreparties imposées à Athènes sont tellement dures que le gouvernement de gauche radicale aura peut-être du mal à le vendre aux Grecs.

Certains citoyens et sympathisants du gouvernement d'Alexis Tsipras en parlent comme d'une «humiliation» ou d'un «coup d'État», à l'image du hashtag ThisIsACoup qui a fait florès sur Twitter.

Dès lundi soir, quelque 700 manifestants, selon la police, ont répondu à l'appel du syndicat des fonctionnaires et de petits partis de gauche non représentés au Parlement en se rassemblant près du parlement à Athènes.

M. Tsipras, acculé par l'effondrement progressif de l'économie grecque et des banques, a dû lâcher beaucoup, ce qui augure d'un vote délicat au Parlement grec.

Les syndicats de fonctionnaires ont appelé à une grève de 24 heures pour ce jour-là contre un accord «antipopulaire».

M. Tsipras a dû notamment céder sur l'un des principaux points de blocage: la création d'un fonds regroupant des actifs grecs à hauteur de 50 milliards d'euros pour garantir les privatisations promises.

Le fonds sera installé à Athènes et servira à recapitaliser les banques, au désendettement, mais aussi à des investissements.

«Misère, humiliation, esclavage»

Le gouvernement Tsipras aura fort à faire pour amadouer son opinion publique, à laquelle il avait promis de rompre avec l'austérité et les «diktats» des bailleurs de fonds.

Pour beaucoup de Grecs ce dénouement avait un goût amer.

«Une misère, une humiliation, un esclavage», commentait ainsi Haralambos Rouliskos, un économiste athénien de 60 ans.

Et les premières fissures dans son parti Syriza sont déjà patentes. Le député Dimitris Kodelas a annoncé sa démission du groupe parlementaire après le vote mercredi lors duquel il n'approuvera pas les nouvelles mesures.

Et le ministre adjoint aux Affaires européennes, élu de Syriza, Nikos Chountis, a déjà démissionné lundi pour aller remplacer l'eurodéputé Manolis Glezos, figure emblématique de la Résistance grecque et doyen du Parlement.

La Bourse de Tokyo a ouvert en forte hausse mardi après l'issue des négociations à Bruxelles et la décision de maintenir la Grèce en zone euro. Auparavant, Wall Street a de nouveau fini lundi sur une nette hausse lundi, rassurée par la perspective du maintien de la Grèce dans l'euro.