Le krach boursier spectaculaire en Chine tombe au mauvais moment pour les marchés financiers et fait peser des risques sur la croissance, mais ne semble pas encore être annonciateur d'une crise financière mondiale.

«L'éclatement de ce qui est clairement devenu une bulle du marché boursier (...) est inquiétant», a estimé jeudi Olivier Blanchard, chef économiste du FMI, tout en estimant que le ralentissement de l'activité dans le pays était «sain» afin d'éviter une surchauffe.

L'éclatement de cette bulle, avec une baisse de 30% en à peine un mois, est scruté depuis plusieurs jours par les investisseurs du monde entier, même si elle a pour l'instant peu de conséquences visibles en dehors de la Chine. Le récent rebond du marché chinois était également de nature à apaiser les tensions.

Le marché boursier chinois est encore peu ouvert au reste du monde et reste difficilement accessible aux investisseurs internationaux, ce qui limite les risques de contagion.

C'est toutefois une mauvaise nouvelle pour l'économie, puisque la Bourse contribue largement au financement des entreprises et ce coup de froid pourrait donc avoir des conséquences sur la croissance.

«Pour l'instant c'est un problème chinois mais à mon avis il y a déjà des répercussions sur le reste de la zone asiatique» et le risque c'est que cela devienne «un problème systémique allant au-delà de la Chine», résume l'économiste français Christian de Boissieu, qui s'exprimait lors d'une conférence de l'Autorité des marchés financiers (AMF) française.

Mais dans l'immédiat, une crise à la Lehman Brothers ou comme celle qui avait touché l'Asie à la fin des années 1990 semble exclue.

«Les autorités chinoises font tout pour que la situation se stabilise», rappelle Guillaume Tresca, stratégiste pays émergents chez Crédit Agricole CIB, pour qui le problème chinois «ne devrait pas être un facteur déclenchant d'une grande crise».

L'intervention en cours des autorités chinoises pour enrayer la chute des marchés semblait porter ses premiers fruits et les investisseurs pouvaient se montrer rassurés par les premiers signes de rebond du marché chinois.

Risques «contenus»

De même, le lobby bancaire international (IIF) juge que même si la baisse devait se prolonger, les risques de crise financière ou d'impact sur la croissance «devraient être contenus».

Si les indices boursiers américains et européens semblent peu sensibles au séisme chinois, la situation pèse toutefois sur le moral des investisseurs.

Le marché de la dette, plus ouvert à l'international que les actions et qui permet aux entreprises étrangères de lever des fonds en Chine, «avait assez bien tenu jusqu'à la fin de la semaine dernière mais on sent désormais plus d'attentisme», remarque Jean-Pierre Brioudes, chez HSBC.

Pour M. Tresca, cette frilosité peut être «amplifiée par les fragilités actuelles avec notamment la Grèce».

Les marchés sont déjà déstabilisés par plusieurs inconnues, à commencer par le sort de la Grèce, qui pourrait se jouer d'ici dimanche.

La chef économiste de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), Catherine Mann, rappelait d'ailleurs récemment que «la reprise en Europe est encore fragile et comme telle, elle est dépendante de toute situation risquée».

Ce krach intervient par ailleurs au moment où les investisseurs espèrent une reprise économique mondiale, jusque-là poussive.

La Bourse chinoise ayant pour particularité d'être largement plébiscitée par les particuliers, qui s'endettent lourdement pour spéculer sur le marché, le retour de bâton menace la consommation chinoise, du fait des lourdes pertes enregistrées par les épargnants, très représentés dans la classe moyenne.

Les marchés ont toutefois déjà anticipé le ralentissement et les entreprises européennes exposées à la Chine, notamment dans l'industrie et le luxe, ont peu souffert jusqu'à présent en Bourse de la chute de la Bourse chinoise.

Ces soubresauts nuisent surtout à la Chine et à son image, estime pour sa part Didier Saint-Georges, membre du comité d'investissement de la société de gestion Carmignac.

Selon lui, le risque pour la Chine est de perdre en «crédibilité», lui faisant prendre du retard à un moment où le pays «a l'ambition d'ouvrir de plus en plus ses marchés à l'international».