Ayant subi eux-mêmes des réformes douloureuses, les pays les plus pauvres de la zone euro, en Europe de l'Est, sont partisans d'une ligne dure face à la Grèce, certains envisageant le «Grexit» au lendemain du Non grec aux mesures d'austérité proposées par l'UE et le FMI.

L'Estonie, la Lettonie, la Lituanie et la Slovaquie ont longtemps clamé qu'elles étaient trop pauvres pour payer les erreurs d'une Grèce plus riche, et l'exhortaient à se soumettre aux mesures d'austérité et aux réformes prévues par le programme de sauvetage de 240 milliards d'euros proposé par ses créanciers.

«J'ai entendu dire que certains retraités grecs touchaient plus de 1.000 euros par mois. C'est outrageant. Je refuse de payer leurs dettes s'ils gagnent des fortunes à comparer à mon salaire», déclare à l'AFP Martina Lelovicova, une serveuse à Bratislava.

Le salaire moyen en Slovaquie, pays de 5,4 millions d'habitants et membre de la zone euro depuis 2009, s'élève à 880 euros.

Le ministre slovaque des Finances Peter Kazimir fut le premier parmi les membres de l'Eurogroupe à noter que le Non grec faisait surgir le spectre d'un «Grexit».

«Le cauchemar des 'euro-architectes' de voir un pays quitter le club semble un scénario réaliste après le vote négatif de la Grèce», a-t-il écrit sur son compte Twitter. Il a renchéri en déclarant lundi aux médias slovaques que «le retrait progressif de la Grèce de la zone euro était déjà en cours».

«C'est une bonne nouvelle pour la zone euro. Le départ des Grecs ne peut que l'assainir», a déclaré à l'AFP un homme d'affaires slovaque âgé d'une trentaine d'années, qui n'a pas souhaité donner son nom.

Selon le premier ministre de gauche slovaque Robert Fico, son pays ne subira aucune conséquence, que la Grèce reste ou non dans la zone euro.

«Les Slovaques ne perdront pas un euro à cause des Grecs, car nous ne leur avons pas donné d'argent, seulement des garanties», a-t-il expliqué dans un débat télévisé.

Plus pauvres, plus vulnérables

Mais d'autres pays pauvres de la zone euro ne pensent pas n'avoir rien à perdre dans cette situation.

Selon le président estonien Toomas Hendrick Ilves, il faut songer «à tous les créditeurs, pas seulement aux banques», et que des «pays plus pauvres que la Grèce risquent de perdre jusqu'à 4,2% de leur PIB», a-t-il twitté lundi.

Son premier ministre Taavi Roivas a estimé que tous les choix pour la Grèce étaient maintenant «mauvais ou pires» et les réformes «inévitables».

Anciennes républiques de l'Union soviétique devenues indépendantes de Moscou en 1991, l'Estonie et la Lettonie ont rejoint la zone euro respectivement en 2011 et en 2014, suivies en janvier par le troisième pays balte, la Lituanie.

Ces trois États ont lourdement souffert de la crise économique en 2008-2009, subissant une récession profonde avant de se redresser au prix de mesures d'austérité draconiennes et de réformes douloureuses.

«Les Estoniens ne comprennent pas l'attitude des Grecs. Nous avons l'habitude de faire des économies et de vivre sobrement», explique à l'AFP Merit Kopli, rédacteur en chef du plus grand journal estonien Postimees.

«Si je comprends bien, le niveau de vie en Grèce est plus élevé que le nôtre en Estonie. Pour moi, il est normal que les gens paient leurs dettes», s'insurge Maie Mets, une retraitée de 72 ans.

Dans un entretien à l'AFP lundi, le premier ministre lituanien Algirdas Butkevicius s'est dit partisan d'un «gel d'une part de la dette» grecque, et s'est déclaré «optimiste», estimant que la Grèce ne quitterait pas la zone euro.

«Comme nous l'avons dit auparavant, l'Europe maintient la porte ouverte aux négociations si les Grecs sont prêts à y revenir», a déclaré pour sa part à l'AFP Aiva Rozenberga, la porte-parole de la présidente lettone Laimdota Strajauma.

La Lettonie, pays de 2 millions d'habitants, avait subi lors de la crise mondiale la plus grave récession dans le monde, avec une baisse de son PIB de 25% en 2008-2009. Un programme d'aide internationale de 7,5 milliards d'euros, accompagné de réductions drastiques de salaires et pensions, lui avait alors permis d'éviter la faillite.

«Je n'ai pas de sympathie pour les Grecs. Ils auraient dû commencer il y a longtemps à payer les impôts. S'ils veulent de l'argent européen, ils doivent commencer à faire des économies», insiste Brigita Petersone, 59 ans, femme d'affaires à Riga.