Le premier ministre grec Alexis Tsipras a souhaité vendredi «une décote de 30% de la dette grecque et «une période de grâce de 20 ans» pour assurer «la viabilité de la dette» de son pays, lors d'une allocution télévisée.

Après s'être félicité de la publication jeudi du rapport du Fonds monétaire international (FMI) allant dans le même sens, au sujet d'une dette grecque qui atteint environ 176% du PIB, le premier ministre a déploré que cette position de l'institution «n'ait jamais été présentée par les créanciers (à Athènes) pendant les cinq mois de négociation» passés sur la poursuite de l'aide financière au pays.

Le rapport, dévoilé abruptement jeudi par le FMI, à trois jours d'un référendum crucial en Grèce, a évalué au total à 50 milliards d'euros les besoins de financement de la Grèce entre octobre 2015 et octobre 2018, sur fond de prévision de croissance drastiquement abaissée cette année (de 2,5% à 0%).

L'aggravation de la crise en Grèce va obliger les Européens à débourser 36 milliards d'euros supplémentaires d'aide et à alléger la dette du pays même en cas de victoire du oui au référendum, estime le FMI.

Outre les 36 milliards d'argent frais, les Européens sont ainsi appelés par l'institution de Washington à considérablement alléger le fardeau de la dette grecque. Ils devraient ainsi repousser les échéances de remboursement des créances en «doublant» la durée de vie de leurs obligations existantes et futures et la période de grâce sur les intérêts, exhorte le FMI.

Cela fait plusieurs semaines que le Fonds tente sans succès d'obtenir un engagement formel des Européens sur le sujet de la dette.

Samedi dernier, lors d'une réunion de l'Eurogroupe, la directrice générale du FMI Christine Lagarde avait ainsi appelé l'UE «à prendre du recul» et à aborder le problème de la dette grecque mais elle s'était heurtée à une opposition frontale, a confié à l'AFP une source proche des négociations.

En novembre 2012, les créanciers de la Grèce, s'étaient engagés à réduire la dette grecque, à condition que le pays remplisse des réformes réclamées pour assainir son économie.

La Grèce avait toujours évoqué cet accord pour bénéficier la restructuration de la dette mais faute de remplir ses obligations, elle se l'est vu constamment refuser. Les Européens notamment craignent de froisser leurs opinions publiques en consentant aux Grecs réductions et aménagements.

La Grèce officiellement en «défaut», sans conséquences dans l'immédiat

Le Fonds européen de stabilité financière (FESF) a déclaré officiellement vendredi la Grèce en «défaut» de paiement, après le non-remboursement par Athènes de 1,6 milliard d'euros (2,2 milliards de dollars) au FMI, mais sans conséquence financière immédiate.

Le non-remboursement grec, mardi, «résulte en un défaut par la Grèce, aux termes de l'accord financier entre la Grèce et le FESF», a indiqué l'institution dans un communiqué. Mais le FESF se réserve le droit d'agir ultérieurement, «sans réclamer de remboursement immédiat» à Athènes, ni renoncer à ses créances.

Cette option est celle qui était attendue, avant le référendum de dimanche en Grèce sur les propositions des créanciers du pays, BCE, UE et FMI.

«Ce défaut est une cause de grave inquiétude. Cela rompt l'engagement pris par la Grèce d'honorer ses obligations financières et ouvre la voie à de sévères conséquences pour l'économie et le peuple grec», a déploré le président du Fonds, Klaus Regling, cité dans le communiqué.

En pratique toutefois, le Fonds, le plus gros créancier du pays avec des prêts totalisant 144,6 milliards d'euros, a opté pour l'attentisme.

Il précise «garder ainsi toutes les options ouvertes» en fonction des évolutions en Grèce. Le Fonds «suivra en permanence la situation et évaluera régulièrement sa position», ajoute le communiqué.

Le non-remboursement par la Grèce de la tranche due au FMI à la date du 30 juin «n'a aucune influence sur la capacité du FESF à rembourser ses détenteurs d'obligations», grâce à «sa structure de garantie très solide», précise le communiqué.

La Commission européenne avait recommandé aux créanciers du pays «de ne pas agir dans l'immédiat», mais «d'attendre l'issue des négociations» avec Athènes, avait expliqué mercredi le vice-président de la Commission européenne chargé de l'euro, Valdis Dombrovskis.

Le FESF, créé en 2010 comme un mécanisme temporaire, a prêté à la Grèce, à l'Irlande et au Portugal. Il continue de fonctionner mais n'accorde plus de prêts depuis le 1er juillet 2013. Il est remplacé par un organisme permanent, le Mécanisme européen de stabilité (MES).

Un accord est «en vue», assure Varoufakis

Le ministre grec des Finances Yanis Varoufakis a assuré vendredi qu'un accord avec les créanciers était à portée de main et que les discussions ont continué en coulisses avec les institutions européennes à l'approche du référendum du week-end.

«Un accord est en vue que la réponse soit oui ou non» au référendum, a déclaré le ministre du parti de gauche radicale Syriza sur la radio publique irlandaise RTÉ.

Les Grecs doivent se prononcer dimanche sur la dernière version d'une proposition d'accord des créanciers de la Grèce, qui prévoit une série de réformes et de mesures budgétaires en échange d'une poursuite du soutien financier au pays.

Le gouvernement grec incite la population à voter non. Mais le oui est légèrement en tête (à 44,8% contre 43,4% pour le non) dans un sondage publié vendredi par le journal Ethnos.

«Si c'est non, je peux vous assurer que durant cette semaine d'impasse nous avons eu des propositions tout à fait convenables provenant de l'Europe, en confidentialité, et un accord est plus ou moins scellé», a assuré Yanis Varoufakis.

Le ministre grec a été pressé de confirmer par le journaliste de la RTÉ qu'il a bien eu des discussions privées avec la Commission européenne et la Banque centrale européenne (BCE), même si plusieurs responsables européens ont assuré qu'il n'y aurait plus de négociations avant le référendum. «C'est ce que j'ai dit, n'est-ce pas?», a-t-il répondu en guise de confirmation.

«Je ne crois pas qu'il soit trop tard. Nous pourrions trouver un accord demain matin», a-t-il ajouté.

«Le gouvernement grec et les institutions (créancières) sont très très proches en ce qui concerne la politique budgétaire et la liste des réformes. La différence qui reste concerne l'allégement de la dette», a-t-il souligné.