Le premier ministre grec Alexis Tsipras multiplie les contacts avec les dirigeants européens et les créanciers de la Grèce pour défendre les nouvelles propositions d'Athènes avant un sommet de la zone euro crucial pour éviter au pays un défaut de paiement aux conséquences imprévisibles.

Un rendez-vous test attend Alexis Tsipras lundi avant le sommet prévu en début de soirée: une réunion a été convoquée par le président du Conseil européen Donald Tusk avec le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker, la directrice générale du FMI, Christine Lagarde, le président de la BCE Mario Draghi, et le chef de l'Eurogroupe (ministre des Finances de la zone euro) Jeroen Dijsselbloem.

Une réunion des ministres des Finances de la zone euro est également prévue dans la journée et sans avis positif sur les propositions grecques lors de ces deux sessions de négociations, les chances sont faibles que le sommet des dirigeants de la zone euro permettre un dénouement devenu urgent.

Sans décision sur le déboursement d'une tranche de prêts de 7,2 milliards d'euros, Athènes à court d'argent risque de ne pouvoir honorer le 30 juin un remboursement de 1,5 milliard d'euros au FMI, un scénario aux conséquences imprévisibles.

La possibilité d'une sortie de la Grèce de la zone euro, même si ce processus inédit n'a rien de mécanique en cas de défaut, est désormais évoquée ouvertement.

Le ministre français des Finances, Michel Sapin, s'est inquiété, dans une interview dimanche, de cette «zone inconnue».

L'accélération des retraits des épargnants au cours des derniers jours renforce les craintes pour le système bancaire grec, même s'il est soutenu par le financement d'urgence de la Banque centrale européenne (BCE).

Celle-ci se réunit de nouveau lundi matin à ce propos et pourrait, pour la troisième fois en moins d'une semaine, augmenter cette aide afin de faire face à de nouveaux retraits massifs attendus lundi.

«Folie» et «bon sens»

Si rien n'a filtré officiellement du contenu des propositions grecques soumises ce week-end, le premier ministre italien Matteo Renzi a estimé dimanche que «toutes les conditions «étaient réunies» pour un accord «gagnant-gagnant».

Alexis Tsipras s'est déjà entretenu dimanche au téléphone avec la chancelière allemande Angela Merkel, le président français François Hollande et le patron de la Commission Jean-Claude Juncker. Il sera à Bruxelles dès dimanche soir.

Le ministre du budget Dimitris Mardas a affirmé à la télévision publique ERT que salaires et retraites pourraient être payés fin juin, mais sans s'engager sur le remboursement au Fonds monétaire international (FMI).

Le journal Frankfurter Allgemeine Zeitung (FAZ) affirmait pour sa part dimanche que ni le versement au FMI ni les dépenses intérieures ne pourraient être assurés.

Dans une tribune publiée par le journal, le ministre grec des Finances Yanis Varoufakis a appelé Mme Merkel à faire preuve de responsabilité face à un «choix décisif».

«Ce serait de la folie que d'entrer, pour deux ou trois milliards de différence (entre Athènes et ses créanciers, ndlr) dans ces eaux troubles et de prendre de tels risques pour l'Eurozone et la Grèce», a estimé Louka Katseli, présidente de la Banque nationale de Grèce (BNG), sur la BBC, pariant sur la victoire du «bon sens».

Avec ou sans FMI

Le gouvernement grec est prêt à des ajustements, suggérait samedi le ministre d'État Alekos Flambouraris, proche de M. Tsipras, évoquant l'accélération des suppressions de pré-retraites et la baisse de l'un des seuils de taxation des entreprises.

Mais la Grèce restera intransigeante sur plusieurs points, a signifié le ministre d'État, Nikos Pappas, l'un des chefs de file de la négociation, dans le journal Ethnos dimanche: «rétablissement du droit du travail, pas de baisse des salaires et des retraites, plan stratégique exhaustif sur le problème de la dette».

Athènes voudrait un accord qui apporte «une solution définitive», selon le premier ministre, plutôt que provisoire avec déboursement partiel d'argent pour passer le cap du 30 juin et extension du plan d'aide, qui seraient suivis d'autres négociations laborieuses.

En cas d'extension du programme, la poursuite de l'assistance du FMI, aux côtés de l'Union européenne (UE) et de la Banque centrale européenne (BCE), n'est pas souhaitable, a estimé Nikos Pappas, invoquant «l'objectif unilatéral et pas du tout européen» de l'institution de Washington.

Des manifestations contre l'austérité et en soutien à la Grèce se sont tenues dans plusieurs villes européennes ce week-end. À Athènes en fin de journée, au moins 7000 personnes, selon la police, se sont rassemblées devant le parlement pour dire leur refus de nouvelles mesures de rigueur et soutenir le gouvernement.

«Je veux que notre premier ministre sache que nous sommes avec lui», a déclaré une manifestante Dimtra Skiahou, une quinquagénaire travaillant dans le secteur privé.

«Nous n'en pouvons plus de cette situation. Pas seulement à cause de la violence économique qu'ils (les créanciers, ndlr) nous infligent, mais à cause aussi de la violence psychologique qu'ils nous ont fait traverser», ajoutait-elle.