La Banque de Grèce a mis en garde mercredi contre un échec des discussions entre Athènes et ses créanciers sur la poursuite du financement du pays, qui conduirait selon elle à un défaut de paiement, une sortie de la zone euro et, «probablement», de l'Union européenne.

«L'incapacité à parvenir à un accord marquerait le début d'un chemin douloureux qui mènerait d'abord à un défaut de paiement de la Grèce puis, au bout du compte, à la sortie du pays de la zone euro et, très probablement, de l'Union européenne», écrit la Banque centrale grecque dans son rapport annuel sur l'économie du pays rendu public mercredi.

Dans une intervention au ton très politique pour cette institution monétaire, la Banque de Grèce juge que la conclusion d'un accord entre la Grèce et ses créanciers est un «impératif historique» et estime que «peu de chemin reste à parcourir» vers un compromis.

Elle appelle les deux parties à faire preuve de souplesse. La banque invite le gouvernement grec à reconnaître que l'abaissement des objectifs d'excédent primaire accepté par l'UE et le FMI lui donne «le temps nécessaire pour son ajustement budgétaire et quelques degrés de liberté supplémentaire dans la conduite de la politique budgétaire» et les créanciers à «réaffirmer et formuler en des termes plus précis leur volonté» d'octroyer à la Grèce un allègement de sa dette publique «comme initialement prévu» en 2012.

La Banque de Grèce est dirigée par Yannis Stournaras, l'ancien ministre des Finances du gouvernement de coalition droite-socialiste d'Antonis Samaras, battu au législatives de janvier par la gauche radicale Syriza.

Sans accord entre les deux parties, «une crise de la dette gérable», comme celle que traverse la Grèce depuis 2009, deviendrait «une crise incontrôlable, avec des risques importants pour le système bancaire et la stabilité financière».

La banque centrale dresse un sombre tableau d'une Grèce hors de la zone euro: «inflation galopante», «profonde récession», «baisse spectaculaire des niveaux de revenu, augmentation exponentielle du chômage, effondrement de tout ce que l'économie grecque a atteint depuis son adhésion à l'UE (...) la Grèce se verrait reléguée au rang d'un pays pauvre de l'Europe du Sud».

Sur les perspectives immédiates de l'économie grecque, il est impossible à l'heure actuelle de faire «des projections sûres», selon le rapport dont l'un des objets est notamment d'établir ces prévisions.

Même en cas d'accord avec les créanciers, l'économie grecque qui a de nouveau plongé en récession avec deux trimestres de PIB négatif fin 2014 et début 2015, ne devrait pas connaître mieux qu'une ligne de croissance plate ou légèrement positive en 2015, estime le rapport.

«L'impact le plus grave et directe de l'incertitude qui règne ces derniers mois a sans doute été la perte de confiance», souligne le document.

La croissance grecque, selon la Commission européenne, devrait s'élever à seulement 0,5% cette année, en net recul par rapport aux prévisions initiales, qui tablaient sur un PIB en hausse de 2,5%. Ces prévisions ont été faites en retenant l'hypothèse d'une issue heureuse des négociations et d'un accord d'ici à juin avec les créanciers.

L'économie grecque avait renoué avec la croissance en 2014 après la plus longue dépression de son histoire qui a vu son PIB fondre de 25% depuis fin 2008.

Depuis plusieurs semaines, les autorités d'Athènes ne parviennent pas à s'entendre avec leurs créanciers (FMI, Union européenne, Banque centrale européenne) sur un train de réformes économiques qui permettrait le déblocage d'une nouvelle tranche de prêts vitale pour le pays.

Tsipras inflexible face aux créanciers

Le premier ministre grec Alexis Tsipras semble inébranlable avant un nouvel Eurogroupe sans perspective d'accord avec les créanciers de la Grèce, et ce malgré une mise en garde alarmiste de la Banque centrale sur le risque de sortie de la zone euro, voire de l'UE.

Sans accord, le couperet tombera, prédit la Banque de Grèce: «défaut de paiement de la Grèce puis, au bout du compte, sortie du pays de la zone euro et, très probablement, de l'Union européenne», écrit l'institution dans son rapport annuel sur l'économie du pays, tout en estimant que «peu de chemin reste à parcourir» vers un compromis.

L'incompréhension mutuelle entre la Grèce et ses créanciers, qui s'est accrue ces derniers jours, rend le scénario d'un accord de dernière minute sur le déblocage d'une tranche de prêts de 7,2 milliards d'euros - vitale pour le pays - moins probable qu'un Grexit (35% contre 40%), selon les analystes de Berenberg.

Les deux parties auront l'occasion de reprendre leur dialogue lors de la réunion des ministres des Finances de la zone euro à Luxembourg jeudi. Mais le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble, a confié à des députés avoir peu d'espoir d'un dénouement à cette occasion.

Alexis Tispras sera lui en Russie, pour un forum économique à Saint-Petersbourg, malgré un appel pressant des États-Unis, mardi soir, à prendre une «initiative sérieuse» pour sortir de l'impasse.

Dans la lignée de son discours de fermeté, mardi, devant les membres de son parti, il a martelé mercredi que «si l'Europe insiste sur les retraites (l'un des points d'achoppement des négociations, NDLR), elle devra en accepter le prix»

La veille, devant les députés Syriza, il s'en était pris aux «institutions» des créanciers accusées de «tendre des pièges» à Athènes et à la «responsabilité criminelle» du FMI.

Donnant donnant

Il ne cesse cependant de réaffirmer sa volonté d'un accord bénéfique aux deux parties. Premier dirigeant d'un pays européen à venir à Athènes depuis l'arrivée au pouvoir du parti de gauche radicale, le chancelier autrichien Werner Faymann a tenté de mettre de l'huile dans les rouages en prônant des solutions pour la Grèce «qui n'accroissent pas la pauvreté».

Dernière occasion pour une solution de dernière minute: le sommet prévu européen fin juin, ou un sommet exceptionnel dans l'intervalle.

Sans le feu vert des créanciers, la Grèce pourrait être dans l'incapacité des rembourser les quelque 1,5 milliard d'euros qu'elle doit au FMI d'ici à la fin juin.

Pour éviter la rupture, la banque centrale grecque appelle les deux camps à faire preuve de souplesse. Elle invite le gouvernement à reconnaître que l'abaissement des objectifs d'excédent primaire accepté par l'UE et le FMI lui donne «quelques degrés de liberté supplémentaire dans la conduite de la politique budgétaire», et les créanciers à «préciser leur volonté» d'octroyer à la Grèce un allègement de sa dette publique «comme initialement prévu» en 2012.

Si l'effort demandé à Athènes est désormais trois fois moindre, avec un objectif d'excédent primaire, avant paiement de la charge de la dette, revu à 1% du PIB, contre 3% auparavant, les moyens de réaliser ces économies continuent de diviser le gouvernement grec et les institutions (UE, BCE, FMI) qui lui prêtent de l'argent depuis que le pays a plongé dans la crise fin 2009, en raison d'une dette publique explosive.

La pression venue des rangs de Syriza est également forte: le parlement grec a entendu mercredi, en présence de M. Tsipras, les premières conclusions des experts internationaux qui ont planché depuis avril au sein de la «Commission pour la vérité sur la dette publique».

Selon un de ses membres, la Commission estime que «la Grèce ne devrait pas payer sa dette car elle est illégale, illégitime, et odieuse», et que le pays a été victime «d'une attaque concertée» de ses créanciers uniquement destinée à faire passer la dette qui pesait sur les banques privées, notamment françaises, allemandes et grecques, vers le secteur public, et donc, les épaules des citoyens grecs.

Un rassemblement devant le parlement grec, contre l'intransigeance imputée aux créanciers dans cette négociation à haut risque, est prévu en fin de journée.