Les prix dans la zone euro sont repartis à la hausse en mai pour la première fois depuis novembre, ce qui confirme le scénario d'une sortie de la déflation, même s'il ne faut pas crier victoire trop tôt, avertissent plusieurs économistes.

L'inflation a accéléré à 0,3% sur un an, après être restés stables (0%) le mois précédent, a indiqué Eurostat en publiant mardi une première estimation de cet indicateur.

Non seulement l'inflation n'avait plus été positive depuis novembre, mais elle est ressortie au-delà des attentes en mai. Les analystes tablaient en effet sur une inflation à 0,2%, selon le consensus de Bloomberg.

Qui plus est, sans prendre en compte les prix les plus fluctuants comme ceux de l'énergie et de l'alimentation, l'inflation s'est accélérée, à 0,9% sur un an, contre 0,6% en avril, alors qu'elle stagnait depuis des mois autour de 0,6%/0,7%.

«Tout cela prouve que la zone euro s'éloigne d'une spirale déflationniste, estime Johannes Gareis, analyste chez Natixis. «L'accélération de l'inflation sous-jacente (hors élements volatifs) est un signe positif que la reprise se diffuse tout doucement au marché du travail et aux salaires», souligne-t-il.

Les chiffres publiés mardi confirment le tableau d'une «reprise lente de l'économie» dans la zone euro et prouvent que «les mesures de la BCE font l'effet désiré», renchérit Teunis Brosens, de la Banque ING.

Pour contrer les risques de déflation, marquée par une baisse durable des prix et des salaires qui pèse sur la reprise économique, la Banque centrale européenne (BCE) avait entamé début mars un vaste programme d'assouplissement quantitatif. Ce programme prévoit le rachat de plus de 1000 milliards d'euros de titres de dettes publique et privée d'ici septembre 2016.

Il a déjà permis l'achat de quelque 220 milliards d'euros de titres en presque deux mois, et a reçu de nombreux éloges.

Le redémarrage de l'inflation est donc une bonne nouvelle pour la BCE, après quatre mois consécutifs de baisse des prix en zone euro (-0,2% en décembre, -0,6% en janvier, -0,3% en février et -0,1% en mars) et un mois de stagnation, en avril.

La BCE a pour ambition de maintenir à moyen terme l'inflation proche mais légèrement en-deçà de 2%.

Effets escomptés 

Dans le détail, l'inflation a été soutenue en mai par la hausse des prix des services (+1,3%, contre +1,0% en avril), de l'alimentation, boissons alcoolisées & tabac (+1,2%, contre +1,0% en avril), et des biens industriels hors énergie (+0,3%, contre +0,1% en avril).

Sans surprise, les prix dans le secteur de l'énergie ont continué de baisser, mais moins vite que par le passé (-5,0% en mai, contre -5,8% le mois précédent).

Mais «le spectre de la déflation n'a pas disparu», avertit Jennifer McKeown de Capital Economics, «au vu du taux toujours important de chômage et des signes montrant que la reprise s'essouffle». Et de rappeler que l'inflation sous-jacente reste bien en-deçà de la cible à moyen terme de la BCE.

«La BCE va certainement rappeler mercredi (lors de sa réunion de politique monétaire) sa volonté de mener à terme son programme de rachats massifs de dette. Nous pensons qu'il faudra peut-être faire plus», affirme l'analyste de Capital Economics.

Pour Lucy Berger de la Banque HSBC, l'inflation devrait rester en-deçà de 2% en 2017, ce qui devrait inciter l'institut monétaire de Francfort à prolonger son programme d'assouplissement quantitatif. La BCE publiera mercredi ses nouvelles prévisions d'inflation pour la zone euro.

L'action de la BCE suscite toutefois des inquiétudes. Son président, l'Italien Mario Draghi, a récemment admis «qu'une période trop prolongée de très bas taux d'intérêt réels (pouvait) avoir des conséquences indésirables dans des sociétés vieillissantes», qui comptent sur les intérêts pour alimenter leurs retraites.