Le premier se relève péniblement de sa sixième récession depuis 1997, toujours en quête d'une croissance soutenue. L'autre cherche un second souffle, après une envolée économique de 20 ans, mais qui plafonne.

Dans ce contexte, le Japon et la Chine, respectivement troisième et deuxième économie mondiale, pourraient en demander encore plus à leurs travailleurs qui se défoncent dans les usines. Pourtant, les deux rivaux livrent ces temps-ci un même message, étonnant, à la main-d'oeuvre nationale : travaillez moins, consommez plus.

C'est bien connu, les salariés japonais ont la fâcheuse habitude de s'éterniser au bureau. Depuis les années 80, le phénomène désigné par l'expression « karoshi » - qui signifie littéralement « se tuer à l'ouvrage » - n'a cessé de croître.

Or, le premier ministre Shinzo Abe veut changer les choses en demandant, dès cet été, aux hauts fonctionnaires de l'État de se sauver vite le soir. Un projet de loi à cette fin est même à l'étude au Parlement.

Tokyo espère qu'en partant à une heure moins tardive, les travailleurs mieux reposés augmenteront leur productivité et leur créativité. Mais il y a plus : on veut aussi qu'ils aient le loisir de faire du lèche-vitrine et d'acheter.

La faiblesse de la consommation, c'est LE point faible de l'économie nipponne malgré tous les efforts du gouvernement depuis deux ans, avec sa politique des « abenomics », pour stimuler la croissance.

Dans un premier temps, le projet de loi vise les hauts salariés (revenus annuels de plus de 100 000 $CAN environ), mais il a du mordant : on supprimera carrément la rémunération des heures supplémentaires (au-delà de 40 heures par semaine). Les salariés concernés seront payés selon leur performance, et non selon le temps passé au bureau.

Plus de 22 % des Japonais s'escriment au travail plus de 50 heures chaque semaine, bien au-delà des 11 % aux États-Unis et 9 % au Canada, selon l'Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE).

Pire, 16 % des travailleurs du secteur privé dans l'archipel ne prennent aucun congé. Jamais. Et ce, même si l'État a décrété 16 jours fériés par année et que les entreprises leur accordent en moyenne 18 jours de vacances payées.

En 2013, 2323 personnes seraient mortes du karoshi, selon des données publiques.

Chine: «out», les bourreaux de travail

« Arrêtez de bosser autant. C'est mauvais pour votre santé... et pour l'économie. »

C'est le message que livrent des chercheurs de l'Université de Pékin dans une étude qui a reçu la bénédiction de l'État.

L'économie chinoise a profité longtemps de l'acharnement des ouvriers qui produisent des vêtements, des jouets ou des iPhone vendus dans le monde entier.

La main-d'oeuvre de l'empire du Milieu travaille quelque 2200 heures par année en moyenne, soit environ 500 heures de plus que celle des pays de l'OCDE. Or, les chercheurs estiment qu'un tel dévouement nuit à la productivité et la créativité, mais aussi à la consommation - un secteur au coeur de la stratégie du gouvernement, qui veut transformer l'économie chinoise et l'éloigner de son ancien modèle « d'usine du monde ».

Ce n'est pas Pékin qui s'opposera aux conclusions de ces chercheurs, surtout que le gouvernement a annoncé la semaine dernière des réductions - de 50 % environ - des droits de douane sur une foule de produits importés, incluant des vêtements et des cosmétiques.

Le but de cette mesure énergique : relancer la demande intérieure, qui s'effrite sérieusement. L'enjeu est de faire repartir la consommation et la croissance économique, qui a été mesurée à + 7 % en avril (sur un an), son plus bas niveau depuis six ans.

Plus reposés, moins taxés, les gens vont acheter plus, estime-t-on.

Dans une étude parue à la fin 2014, l'Université Stanford, en Californie, a scruté les données du marché du travail sur plusieurs décennies au Royaume-Uni. On conclut que la productivité diminue rapidement au-delà de 50 heures de travail par semaine.

Il suffit de regarder l'Allemagne pour s'en convaincre, signalent d'ailleurs des experts.

Les employés de la première puissance d'Europe, véritable phare des technologies de pointe, ne travaillent que 1388 heures par an, contre 1489 pour les Français, 1735 pour les Japonais et 1788 pour les Américains. Et seulement 5,6 % des Allemands passent plus de 50 heures par semaine au boulot, un taux parmi les plus faibles de tous les pays industrialisés.

Paresseux, les Allemands ? Plutôt adeptes du « travaillez moins, travaillez mieux ».