Les discussions entre la Grèce et ses créanciers semblent s'être soudain débloquées même si elles achoppent encore sur «les lignes rouges» fixées par Athènes, un effet positif peut-être de l'arrivée comme coordinateur grec du ministre Euclide Tsakalotos.

Depuis jeudi, le «groupe de Bruxelles», qui rassemble des représentants d'Athènes, de la Commission européenne, de la Banque centrale européenne (BCE), du Mécanisme européen de stabilité (MES) et du Fonds monétaire international (FMI), planchent pour trouver un accord permettant aux Grecs d'obtenir le déblocage de 7,2 milliards d'euros de l'UE, en échange de réformes satisfaisant ses créanciers.

Fait très rare depuis l'arrivée au pouvoir du parti de gauche radicale Syriza d'Alexis Tsipras en janvier, les créanciers faisaient des commentaires positifs dimanche soir, alors que la discussion va se poursuivre au-delà du week-end.

Une source européenne a ainsi qualifié cette prolongation de «bon signe». Les discussions «sont constructives, j'oserais même dire encourageantes», a-t-elle même avancé.

Côté grec, on partageait cet optimisme. «Il y a de grands progrès, on approche d'un accord», a indiqué un porte-parole de M. Tsipras, assurant que «tout va être décidé cette semaine».

La raison de cette amélioration du climat des discussions semble tenir en grande partie aux changements effectués cette semaine par M. Tsipras dans son équipe de négociateurs, avec la montée en première ligne d'Euclide Tsakalotos, vice-ministre des Affaires étrangères responsable des Affaires économiques.

Plus personne à Bruxelles, en effet, ne semble supporter le ministre des Finances et show-man Yanis Varoufakis, apparemment plus prompt à tweeter sur son sentiment d'inspirer «la haine» à ses pairs, ou à décrire par le menu dans un communiqué sa confrontation avec des anarchistes mardi dans un restaurant, qu'à se plier aux exigences délicates de la négociation bruxelloise.

La promotion comme «coordinateur de l'équipe politique de négociation» de M. Tsakalotos, peut-être plus dur idéologiquement que M. Varoufakis, mais plus neutre dans ses manières, et le remplacement de l'homme de M. Varoufakis par un proche de M. Tsakalotos comme responsable de la partie grecque au groupe de Bruxelles, ont arrangé les choses, une semaine après ce que la presse grecque a considéré comme «le naufrage» de l'Eurogroupe de Riga, le 24 avril.

Moment «critique»

«Les discussions menées avec l'équipe grecque remaniée ont clairement amélioré le processus, avec un clair calendrier des discussions, plus d'experts et de détails», a souligné dimanche la source européenne.

M. Varoufakis, dont les compétences d'économiste ne sont pas discutées, n'a cependant pas disparu. Il participait dimanche soir à une réunion sur les négociations avec M. Tsipras, à la résidence du premier ministre.

Car malgré «les convergences» soulignées de part et d'autre, tout n'est pas réglé. Sur certaines questions «des progrès doivent encore être faits», a estimé la même source, une autre source européenne confirmant que «plus de travail est requis» sur ces points.

Les discussions achoppent sur ce qu'Athènes considère comme des «lignes rouges».

En particulier, les créanciers, a expliqué le porte-parole de M. Tsipras, sont opposés à une loi rétablissant les conventions collectives, et veulent «une libération totale des licenciements», «à l'encontre, selon lui, du cadre institutionnel en vigueur dans toute l'Europe».

Les créanciers veulent aussi «une nouvelle diminution des retraites, mais le gouvernement pense que ça suffit comme ça», a-t-il expliqué, faisant valoir que, «jusqu'à maintenant, le gouvernement grec a démontré une grande flexibilité», et qu'on «a besoin désormais de la même chez les créanciers».

Alors que la Grèce doit rembourser environ un milliard d'euros en mai à ces derniers, le moment est «critique» pour les finances de l'État, a confirmé le porte-parole.

D'autant que l'économie grecque réelle souffre beaucoup de toutes ces incertitudes. Les patrons des quatre grandes banques grecques ont appelé individuellement dimanche, dans le quotidien Kathimerini, à une issue positive rapide des négociations.

Après l'épouse, le père du ministre grec des Finances à sa rescousse

Yanis Varoufakis fait des jaloux parce qu'il est plus compétent, estime en substance le père du ministre grec des Finances, âgé de 90 ans, dans une interview publiée dimanche.

Évoquant sans les citer les autres ministres européens, Giorgos Varoufakis estime dans le journal Ethnos «qu'ils veulent le dévaloriser, parce qu'il est compétent. Il n'est pas comme eux. C'est pourquoi ils l'attaquent».

Le ministre avait implicitement reconnu le week-end dernier être «haï» par ses pairs.

Toujours président d'une entreprise sidérurgique, Halyvourgiki, le père du ministre-vedette du gouvernement de gauche radicale d'Alexis Tsipras assure que celui-ci est très proche de son fils. «Yanis, qui est un très bon garçon, dit toujours au premier ministre que faire, et c'est pourquoi celui-ci l'adore», avance Giorgos Varoufakis.

Alors que le remaniement la semaine dernière des équipes grecques de négociation avec les créanciers du pays est apparu comme une tentative de M. Tsipras de délayer le rôle de son ministre, M. Varoufakis ne voit pas du tout les choses de cette façon : «Au contraire, il a renforcé son équipe».

Giorgos défend le style de son fils, crâne rasé et chemise ouverte, souvent en jeans, circulant à moto. «Christine Lagarde (la directrice générale du FMI, ndlr) l'aime vraiment bien, comme toutes les femmes d'ailleurs, en Europe et en Grèce».

L'épouse de Yanis Varoufakis, Danaé s'est de son côté illustrée mardi soir en s'interposant quand des anarchistes ont envahi le restaurant où ils dînaient.

M. Varoufakis est officiellement en charge des négociations au terme desquelles Athènes, à court d'argent, espère obtenir les derniers 7,2 milliards d'euros promis par l'UE en échange de réformes.