L'offensive de charme du premier ministre grec Alexis Tsipras auprès de la chancelière allemande Angela Merkel a réussi à briser la glace entre leurs deux pays, mais la pression demeure pour qu'Athènes concrétise rapidement ses engagements vis-à-vis de ses créanciers.

L'accueil en grande pompe à Berlin lundi soir par la première puissance de la zone euro du dirigeant issu de la gauche radicale Syriza, mouton noir de ce club, intervient après deux mois au pouvoir du nouveau gouvernement grec, marqué par un bras de fer constant avec ses créanciers européens.

Ces derniers ne cessent de réclamer de nouveaux engagements de réformes concrets par Athènes, pour débloquer une dernière tranche de prêts vitale pour la survie financière du pays.

Outre son caractère symbolique, le tête-à-tête Merkel-Tsipras a été perçu comme un signe patent de la détermination de la dirigeante allemande à aider la Grèce. «Il n'y a pas d'autre voie que le dialogue» malgré «les désaccords et les questions difficiles» à résoudre, a-t-elle affirmé.

Cette rencontre restait inimaginable il y a encore quelques semaines, quand Alexis Tsipras évoquait au lendemain de sa victoire aux législatives fin janvier «l'obligation historique» de son pays «à réclamer à Berlin le remboursement d'indemnisations de guerre».

Mais le ton a soudainement baissé, Alexis Tsipras avouant qu'«il était faux et simpliste d'imputer seulement aux étrangers les problèmes en Grèce alors qu'il y a des problèmes internes du pays qui ont contribué à la crise».

La majorité de la presse grecque saluait mardi «cette preuve de réalisme» du premier ministre grec dans sa tentative «de rétablir la confiance» avec Berlin.

«Realpolitik»

«Hier (lundi), M. Tsipras était différent. Il a défendu les arguments grecs sans extrémisme et avec un sens de l'autocritique», se félicitait le quotidien libéral Kathimerini, tout en déplorant que le gouvernement ait «perdu deux mois avec des artifices médiatiques».

«'Realpolitik' d'Alexis» titrait Ta Néa (centre gauche), le plus gros quotidien grec.

Sans un déblocage de fonds rapide, «il sera 'impossible' pour Athènes d'assurer le service de la dette dans les prochaines semaines», avait déjà averti Alexis Tsipras dans un courrier le 15 mars adressé à la chancelière allemande, et révélé lundi par le Financial Times.

À court d'argent et sous pression, le gouvernement grec s'est finalement engagé vendredi à Bruxelles à présenter des réformes détaillées et chiffrées.

Devant ces développements, le président du Parlement européen, l'Allemand Martin Schulz, a estimé qu'un accord était possible «d'ici à la fin de la semaine», dans une interview mardi au quotidien italien La Repubblica.

Le porte-parole du gouvernement grec a affirmé pour sa part que la liste des réformes serait prête d'ici lundi «au plus tard».

Le patronat grec (Sev) a appelé lundi soir le gouvernement «à lever l'incertitude qui pèse sur l'économie» et à «conclure les négociations avec les créanciers», lors d'une rencontre avec le ministre des Finances Yanis Varoufakis.

Les experts de la zone euro (Euroworking group) doivent se réunir mercredi à Bruxelles tandis qu'un Eurogroupe devrait être convoqué dès que la liste des réformes sera prête, selon une source de Bruxelles.

Le climat semble s'apaiser alors que de nombreux analystes tiraient la sonnette d'alarme sur la possibilité «d'un accident» de paiement qui conduirait à une sortie de la Grèce de l'euro (Grexident).

«Les conditions d'un accident sont réunies (...) mais je crois qu'une solution sera trouvée pour l'éviter», a affirmé à l'AFP Panayiotis Petrakis, professeur d'économie à l'Université d'Athènes, arguant «du cadre bien établi» de la zone euro pour éviter de tels problèmes.

Pour sa part Carsten Brzeski, chef économiste d'ING DiBa, estime qu'Athènes et Berlin ont «essayé d'apaiser les tensions» et se préparent «pour un compromis».

La Bourse elle-même regagnait des couleurs après l'effondrement des dernières semaines, prenant aux alentours de 3% dans l'après-midi, comme la veille.

En Grèce, où la popularité de Syriza continue de croître, les citoyens se disent «fiers» de l'attitude du gouvernement.

«Je ne sais pas ce qui va se passer mais les choses ne peuvent pas devenir pires qu'avant», estime Maria Fragopoulou, une retraitée dont la pension s'est encore amenuisée ces derniers mois.