Les derniers chiffres le confirment: la grosse machine chinoise accumule les ratés, laissant croire que la deuxième économie mondiale ralentira davantage en 2015.

Tant la production des usines que le crucial marché immobilier montrent des signes d'essoufflement. Même les entreprises chinoises et les investisseurs étrangers ont un pied sur le frein et misent de plus en plus d'argent hors du pays.

Le Fonds monétaire international (FMI) table désormais sur une croissance économique de 6,8% cette année après le décrochage à + 7,4% l'an dernier, la pire performance en 25 ans pour l'empire du Milieu.

Face à autant de voyants rouges au tableau de bord chinois, le Prix Nobel et économiste réputé Paul Krugman ne cache pas ses sentiments. «La Chine me fait peur», a-t-il laissé tomber lors d'un important forum asiatique récemment. Pour lui, Pékin fait face à des «défis énormes» pour reconfigurer et soutenir une économie en perte de vitesse.

À cet égard, voici un aperçu des derniers rapports qui inquiètent tant les experts.

Sorties de capitaux

Cet indicateur, publié mercredi, en dit long sur l'humeur des milieux d'affaires, étrangers et chinois: au quatrième trimestre 2014, la Chine a encaissé une «balance déficitaire des flux de capitaux». Du jamais vu en 17 ans. En clair, cela signifie que la différence entre les entrées et les sorties de fonds au pays a été négative, s'établissant à - 91 milliards US, selon les statistiques officielles. Deux phénomènes expliquent cette tendance: d'une part, les entreprises chinoises accélèrent les acquisitions à l'étranger pour diversifier leurs marchés; d'autre part, les doutes relatifs à l'économie freinent l'enthousiasme des investisseurs étrangers, pour qui l'aventure chinoise a perdu de son attrait.

Les usines en marche arrière

On a bien vu les usines chinoises réduire la cadence en 2014. Mais voilà qu'elles passent carrément en marche arrière. Selon le Bureau national des statistiques, l'indice PMI du secteur manufacturier est tombé en janvier à 49,8 points, donc sous la barre des 50 marquant la croissance. La Banque HSBC montre un portrait similaire avec son propre indice manufacturier, plusieurs indicateurs indiquant une dégradation: commandes intérieures, demande mondiale, prix de vente en baisse...

Une montagne de dettes

La Chine a annoncé mercredi une nouvelle mesure - une énième depuis un an - pour requinquer son économie en réduisant les réserves obligatoires des banques. La tactique vise à stimuler le crédit. Or, le même jour, la firme américaine McKinsey a publié un rapport accablant indiquant que la dette globale (privée et publique) de la Chine a quadruplé de 2007 à 2014, passant de 7000 à 28 000 milliards US, soit à 282% du PIB chinois. Cette explosion est liée aux prêts hors du secteur bancaire réglementé (shadow banking) et à la spéculation immobilière. La Chine peut-elle s'endetter davantage?

L'immobilier toujours en panne

Après des années de croissance à deux chiffres, les prix de l'immobilier dans 68 des 70 principales métropoles de la Chine accusaient en décembre une baisse moyenne de 4,3% sur un an. Un quatrième repli consécutif. Certes, les ventes étaient en hausse, mais le centre d'études spécialisées CRIC, à Paris, note que les stocks de logements invendus restent excessifs dans 21 des 23 grands centres urbains.

Les consommateurs traînent la patte

Pour rééquilibrer l'économie - en délaissant un modèle axé sur l'exportation et les infrastructures -, Pékin veut faire de l'innovation et de la consommation les moteurs du pays. Mais les dépenses des ménages décélèrent, étant passées d'une hausse annuelle de 15% en moyenne de 2008 à 2013 à un gain estimé de 10% l'an passé. La firme britannique de recherche Kantar prévoit que la hausse des ventes de biens courants - tels les produits pour la santé, les vêtements et autres - glissera à + 5,5% en 2015, contre + 15% il y a 3 ans.

Que dit Paul Krugman face à un tel bilan? «Je serais surpris s'il n'y a pas une sévère récession [éventuellement] alors que la Chine tente de changer.» Inquiétant.