Tout juste après Noël, cette annonce a causé l'émoi dans la population au Venezuela, mais aussi la colère du gouvernement: le célèbre glacier Coromoto, dans la petite ville de Merida - qui figure au livre Guinness des records pour ses 860 variétés de glaces -, a fermé boutique.

La raison invoquée par le commerçant: «On n'a plus de lait.»

Ce n'est pas la première fois qu'une pénurie de biens essentiels soulève des vagues au Venezuela.

En 2013, le président Nicolas Maduro avait ordonné l'importation «d'urgence»... de 50 millions de rouleaux de papier de toilette, pour soulager une population qui n'en trouvait pas. La nouvelle a été abondamment exploitée par l'opposition et même des politiciens américains en ont profité pour ridiculiser le régime bolivarien de Caracas.

Or, les pénuries ne s'arrêtent pas là, vous diront les 30 millions d'habitants du pays. Dans un rapport paru l'an dernier, la banque centrale du Venezuela a publié son «indice de rareté» des produits de consommation. Il était à 29%. C'est-à-dire que pour 29 produits sur 100, les consommateurs risquent de devoir faire le tour des magasins avant d'en trouver... peut-être.

Mais attention aux prix! L'inflation, au dernier décompte officiel, tourne autour de 64% par an dans ce pays d'Amérique latine. Autrement dit, les prix des aliments, des vêtements et des autres biens essentiels - en très grande partie importés de l'étranger - montent en flèche.

Pour des analystes, pénuries et hyperinflation sont des symptômes de l'échec du système vénézuélien. Pire, disent des agences de notation, le pays glisse lentement vers la faillite, emporté par les prix du pétrole.

95% des exportations

Après l'agence Fitch en décembre, c'était au tour de Moody's il y a quelques jours de dégrader la note souveraine vénézuélienne. Celle-ci est passée à Caa3, deux crans au-dessous de Caa1, qui représentait déjà un «risque élevé».

Au bord du gouffre, le Venezuela? Pour les analystes financiers, cela ne fait plus guère de doute.

L'inquiétude provient surtout de la chute vertigineuse des prix du pétrole, qui est passé de 104$US, en juin dernier, aux environs de 45$US le baril. Or l'or noir, c'est 95% des exportations du pays ou le quart de l'économie.

Sans surprise, le Venezuela est officiellement entré en récession en 2014. La baisse de 2,3% de son PIB au troisième trimestre s'ajoute à ses replis de 4,8% et 4,9% aux deux trimestres précédents. Bref, c'est une chute libre.

Vendredi, le président Maduro s'en est remis «à Dieu» pour venir en aide à son pays, tout en annonçant une dévaluation du bolivar et diverses mesures (éventuelle augmentation du prix de l'essence, hausse du salaire minimum), jugées insuffisantes par les économistes.

Dans ce pays au penchant socialiste, l'essence ne coûte que 1,5 cent US le litre dans la capitale, grâce aux contrôles de l'État. L'eau embouteillée est pour sa part vendue à 2$US le litre, selon des médias locaux.

21 milliards US à rembourser

Le Venezuela, même avec ses énormes réserves pétrolières, va-t-il parvenir à payer ses dettes?

Caracas doit à des fournisseurs locaux l'équivalent des réserves monétaires de sa banque centrale, soit 21 milliards US, selon Bloomberg.

Pour faire face à ses obligations, le président Maduro est allé au début janvier plaider sa cause auprès du principal créancier international du pays, la Chine, qui lui a prêté plus de 30 milliards US jusqu'ici. Mais il semble que ce voyage n'ait pas été fructueux.

Si le président vénézuélien a annoncé que Pékin allait investir 20 milliards US dans son pays, son silence quant à un prêt des Chinois laisse croire que sa demande de prêt a été refusée.

Selon Fitch, Caracas devra rembourser à divers créanciers environ 10 milliards US par an jusqu'en 2017.

Entre-temps, les autorités tentent d'apaiser la grogne populaire en plafonnant les prix des biens essentiels, comme le lait. Une stratégie inefficace qui alimente surtout le marché noir: des magouilleurs en achèteraient en grande quantité pour les revendre dans les pays voisins au prix du marché. Le gouvernement estime que 40 % de certains biens sont ainsi exportés pendant que les étals des magasins restent vides.

Bref, le temps presse pour Caracas. Le Venezuela vit une situation sociale devenue «explosive ces dernières semaines», prévient la firme américaine d'informations économiques IHS.