Les marchés financiers restaient de marbre lundi matin face à la victoire du parti anti-austérité Syriza en Grèce, anesthésiés par les mesures de la BCE et ne croyant pas à une résurgence de la crise de la dette en zone euro.

Cette élection avait peu d'impact tant sur les indices boursiers que sur le marché de la dette alors que l'euro, qui a chuté brièvement à Tokyo à son plus bas niveau depuis 11 ans tôt dans la matinée à 1,1098 dollar, remontait légèrement à 1,1251 vers 4h45 (heure de Montréal).

Alors que les grandes places asiatiques ont terminé en légère hausse, la tendance était contrastée en Europe. La Bourse de Paris prenait 0,25%, Francfort 0,44%, Madrid 0,24%, mais Milan perdait 0,12% et Londres 0,01%.

Sur le marché obligataire, le taux de l'Allemagne a touché un nouveau plus bas historique, profitant de la certaine prudence des marchés.

Signe que les incertitudes se concentrent sur la Grèce, la Bourse d'Athènes chutait de plus de 3% dans la matinée. Sur le marché obligataire, les taux d'emprunt du pays se tendaient, mais pas excessivement à 8,773% (contre 8,410% vendredi à la clôture), bien loin des plus de 10% atteint début janvier à cause des craintes des investisseurs sur le programme électoral de Syriza.

«Le marché est anesthésié par le programme de rachat d'actifs de la BCE au moment où le risque de contagion de la Grèce au reste de la zone euro est très faible par rapport à 2011-2012», souligne Gilles Moec, chef économiste chez Bank of America-Merrill Lynch.

Compte tenu du fait que la Banque centrale européenne (BCE) va racheter chaque mois de la dette publique sur le marché, il devient très difficile pour un investisseur de parier contre la zone euro.

En outre, le secteur financier européen est plus sain que par le passé et moins exposé à la dette grecque, ce qui est un facteur de déstabilisation en moins.

«Cela ne veut pas dire pour autant que les problèmes de la Grèce sont réglés», prévient M. Moec.

Le leader du parti, Alexis Tsipras, entend tourner la page de l'austérité, qui a été exigée par la troïka (Banque centrale européenne, Union européenne et Fonds monétaire international) depuis quatre ans en échange de 240 milliards d'euros de prêts pour sauver le pays de la faillite.

La Grèce, qui s'apprête à recevoir la dernière tranche d'aide, est dans une situation fragile, puisqu'il existe un risque qu'elle ne parvienne pas à rembourser son énorme dette, en majorité entre les mains de créanciers publics comme les Etats européens.

«Il va falloir renégocier la dette», estime M. Moec, qui rappelle que les Européens étaient favorables, avant les élections européennes de l'an dernier, à une telle discussion.

«La difficulté c'est que les discussions vont se faire dans un contexte politique brûlant», selon lui.

Les négociations vont prendre du temps, le risque étant que la Grèce franchisse la ligne rouge qui serait de choisir de ne pas rembourser une partie de sa dette, ce qui aurait des conséquences directes sur les finances des autres pays de la zone euro, qui sont de grands détenteurs de la dette du pays.

«Les semaines qui viennent vont être porteuses de volatilité puisqu'il faudra à M. Tsipras naviguer entre satisfaction de son électorat et la réalité économique. Les marges de manoeuvre du nouveau gouvernement sont en effet étroites», note les analystes chez Oddo Management.

La banque suisse UBS estime quant à elle qu'un «accord est dans l'intérêt de la Grèce et ses partenaires européens» même si les négociations s'annoncent «difficiles» dans les prochains mois.

La BCE ne pourrait pas accepter une restructuration de ses titres grecs et le nouveau pouvoir à Athènes «doit payer» les dettes du pays et ne pas agir de manière unilatérale, a de son côté estimé Benoît Coeuré, membre du directoire de l'institution.

Pour sa part, le premier ministre britannique David Cameron s'est ouvertement inquiété, sur son compte Twitter, d'une élection grecque qui «accroîtra l'incertitude économique en Europe».

Il reste que le leader de Syriza Alexis Tsipras devient le premier dirigeant européen élu sur le rejet explicite des politiques difficiles imposées par l'UE à ses membres après la crise, alors que d'autres élections sont prévues d'ici la fin de l'année comme en Espagne.

«Le marché finira par réagir si on s'approche d'un Grexit (sortie de la Grèce de la zone euro, ndlr) et si ce qui se passe en Grèce est vécu comme une espèce de répétition générale de ce qui se pourrait se passer dans d'autres pays comme l'Espagne», conclut M. Moec.