Pendant que ses confrères du BRIC - la Russie et le Brésil en tête - suscitent l'inquiétude et même la méfiance, l'Inde redevient un marché attrayant pour les investisseurs et les gens d'affaires du monde entier.

À preuve: pour la période d'avril à octobre derniers, les investissements directs étrangers (IDE) - un indicateur clé de la confiance des milieux d'affaires envers un pays - ont bondi d'environ 25% (sur un an) en Inde (à 17,4 milliards US), selon le ministère du Commerce et de l'Industrie. C'est un revirement considérable étant donné que ces entrées de fonds étaient généralement en baisse durant les années précédentes.

À première vue, l'intérêt renouvelé des étrangers est étonnant dans la mesure où la troisième économie d'Asie a vu sa croissance ralentir sous les 5% par an depuis 2012, au lieu de 8% et plus antérieurement.

Que se passe-t-il?

Plusieurs analystes répondront à cette question en mentionnant un seul nom: Narendra Modi.

Élu par une marge historique en mai dernier, le nouveau premier ministre indien s'est donné un mandat ambitieux: faire renaître de ses cendres le «miracle indien», ainsi surnommé au début des années 2000, en réformant en profondeur son pays de 1,25 milliard d'habitants. Et le chef d'État charismatique est peut-être en train de relever le défi.

De nombreuses réformes

«À nos yeux, l'Inde est le seul pays à tirer son épingle du jeu parmi les [pays] émergents, écrit dans une note financière Alex Tedder, directeur des placements mondiaux à la firme Schroders. Elle constitue un thème d'investissement remarquable.»

La révolution Modi a débuté par la réforme de l'État, qui combine une thérapie de choc sur le plan économique et la lutte contre les inégalités.

Sur le plan administratif, Narendra Modi a instauré un contrôle des nominations politiques en vue d'endiguer la corruption endémique dans ce pays, installant même au passage un contrôle biométrique de la présence des fonctionnaires à leur bureau. Bref, fini le gaspillage.

Dans un second temps, Modi a amorcé la conversion du modèle indien avec la campagne «Make in India» («Fabriquez en Inde»), engagée le 15 septembre, qui vise à donner la priorité à l'industrie, aux exportations et aux technologies. Dans cette foulée, on veut développer les infrastructures du pays et créer 100 villes «intelligentes».

Parallèlement, New Delhi s'attaque au déficit grâce à des réductions de dépenses et à des privatisations de 10 milliards CAN, incluant des cessions d'actifs dans le secteur de l'énergie (dont Coal India et le géant hydroélectrique NHPC).

Enfin, le Parlement vient d'adopter en décembre une TVA unique - une taxe à la consommation présentée comme la plus grande réforme fiscale depuis l'indépendance du pays.

Mieux que la Chine?

On pourrait croire que la lune de miel entre les gens d'affaires et le nouveau leader indien risque d'être de courte durée. Sauf que la Banque mondiale vient de donner une certaine crédibilité à la nouvelle ère Modi.

Selon l'institution établie à Washington, la croissance économique indienne pourrait dépasser celle de la Chine à compter de 2017. Rien de moins.

Dans un rapport paru il y a quelques jours, la Banque mondiale parie sur l'Inde et sa capacité à retrouver une croissance forte après des années 2012 et 2013 décevantes. Elle prévoit que le produit intérieur brut (PIB) progressera de 6,4% en 2015 (0,8% de plus qu'en 2014), puis de 7% à partir de 2016. Dans le même temps, la Chine va ralentir, ramenant la progression de son PIB de 7,4% en 2014 à 7% en 2016 et à 6,9% en 2017. Le dynamisme indien l'emporterait donc sur celui de la Chine continentale - un exploit.

De plus, les efforts conduits depuis plus d'un an par la Banque centrale indienne pour réduire une inflation élevée semblent porter leurs fruits.

La croissance des prix ralentit depuis quatre mois. Si bien qu'à la surprise générale, la banque a décidé jeudi d'abaisser ses taux d'intérêt pour requinquer l'économie. C'est une grande victoire pour son gouverneur, Raghuram Rajan, un économiste réputé et l'un des rares à avoir prédit la crise financière américaine de 2008.

La Banque centrale indienne a ramené son taux directeur de 8 à 7,75% - prélude d'une série de trois autres baisses à venir, prédit Capital Economics, ce qui réjouit les milieux d'affaires.

Pour le moment, les investisseurs semblent croire à la renaissance du miracle économique indien. L'indice BSE Sensex, de la Bourse de Bombay, est en hausse de 32% depuis un an (contre +5,7% pour le Dow Jones), ce qui fait de la Bourse indienne l'une des plus performantes au monde.