L'Union européenne a adopté jeudi de nouvelles sanctions visant la Crimée, juste avant un sommet de l'UE consacré à l'avenir des relations avec la Russie, plongée dans une crise financière sans précédent.

Les chefs d'État et de gouvernement devaient aussi donner leur aval au plan d'investissement de 315 milliards d'euros annoncé fin novembre par Jean-Claude Juncker, président de la Commission depuis un mois et demi.

Les sanctions sur la Crimée avaient été décidées il y a un mois. Elles élargissent un précédent train de mesures spécifiques à la péninsule ukrainienne annexée par la Russie en mars. Mais aucune nouvelle sanction ne devait être décidée contre la Russie lors du sommet.

La chancelière allemande, Angela Merkel, principale interlocutrice européenne du président russe, Vladimir Poutine, a assuré jeudi que l'Europe cherchait le dialogue avec Moscou et que l'objectif était «la coopération européenne en matière de sécurité avec la Russie, pas contre la Russie». Mais elle a rappelé que «l'objectif» demeure «une Ukraine souveraine et territorialement unie» et que, «jusqu'à ce que cet objectif soit atteint (...) les sanctions demeurent inévitables».

Les dirigeants européens se retrouvent à Bruxelles en plein chaos financier en Russie, conséquence des sanctions économiques décrétées par les Occidentaux. M. Poutine a promis aux Russes jeudi une sortie de cette crise dans les deux ans et accusé les Occidentaux de se comporter en «empire» dictant la marche à suivre à ses «vassaux».

Le nouveau président du Conseil européen, Donald Tusk, a programmé dès son premier sommet un débat sur la «stratégie» à adopter vis-à-vis de Moscou. Il fut pendant sept ans premier ministre de Pologne, un des pays les plus engagés dans la réaction européenne au conflit en Ukraine. Cette crise «reste un sujet de grave préoccupation et (...) il est important que nous envoyions un message politique clair», a demandé M. Tusk.

«Money, money»

Les 28 doivent notamment réfléchir à la suite à donner l'an prochain aux lourdes sanctions décidées cet été, qui arriveront à échéance en juin 2015. «Tout le monde est d'accord pour dire que les sanctions ont un impact, mais elles ne sont pas une fin en soi», estime une source européenne en soulignant que la Russie n'a pas modifié d'un iota sa politique en Ukraine.

L'UE, qui a déjà déboursé 1,6 milliard d'euros pour l'Ukraine, réaffirmera qu'elle est prête à faire plus, mais en échange de la mise en oeuvre de réformes. Faute d'être invité au sommet comme il le voulait, le président ukrainien, Petro Porochenko, a décidé de bouder Bruxelles.

L'autre gros sujet sur la table sera le plan d'investissement de la Commission pour la relance de la croissance, qui provoque un début de bras de fer entre Bruxelles et les capitales européennes. À la veille du sommet, Jean-Claude Juncker a lancé un appel aux chefs d'État et de gouvernement pour qu'ils «mettent la main au portefeuille» et abondent le fonds de garantie qui doit être mis en place dans les prochains mois avec de l'argent européen.

«Plusieurs États ont manifesté un intérêt potentiel. J'attends maintenant des propositions concrètes et pas seulement 'paroles, paroles'. J'ai besoin de «money, money», d'argent sonnant et trébuchant», a-t-il déclaré sans ambages.

Mais les 28 en sont encore loin. Ils veulent d'abord savoir comment fonctionnera le programme, pour quels projets et avec quels retours pour leurs pays. «Je ne pense pas que demain ou après-demain, les Etats prendront une décision sur une participation», a indiqué mercredi une source gouvernementale allemande. «Ce ne sera pas une conférence des donateurs», résume une source française, tout en laissant la porte ouverte à de telles contributions nationales, «dans une deuxième étape».

Donald Tusk veut manifestement instaurer un nouveau style. Les conclusions seront nettement plus courtes qu'auparavant, de même que les débats, qu'il ne veut pas voir s'éterniser au-delà de minuit. Si tous les sujets sont bouclés, la réunion prévue sur deux jours pourrait même se terminer dès jeudi soir, une première.