Les autorités russes s'attachaient mercredi à enrayer le plongeon historique subi par le rouble, à la veille d'une intervention très attendue de Vladimir Poutine qui se trouve confronté à une crise économique sans précédent en quinze ans de pouvoir.

Est-ce l'amorce d'une stabilisation de la monnaie russe? Après avoir chuté de 9,5% lundi et de 7% mardi, du jamais vu depuis la crise financière de 1998, le rouble retrouvait mercredi un semblant de calme.

À ses niveaux actuels, il a perdu la moitié de sa valeur depuis le début 2014, conséquence d'une année d'isolement croissant de la Russie pour cause de crise ukrainienne et de la dégringolade des prix du pétrole, principale source de revenus de l'État.

La population, déjà touchée de plein fouet par la flambée des prix, est désormais promise à une dure récession.

La parole du président russe, fort d'une popularité impressionnante depuis l'annexion de la Crimée, est très attendue pour clarifier ses orientations économiques et les choix qu'exige l'ampleur de la crise monétaire actuelle.

Au plus fort de la journée mardi, le rouble a perdu jusqu'à plus de 20%, atteignant les seuils-chocs de 100 roubles pour un euro et 80 roubles pour un dollar.

«Le rouble vaut ce que vaut le pouvoir de Poutine pour le marché», a estimé le journal indépendant Novaïa Gazeta.

Le gouvernement s'en mêle

Vladimir Poutine ne s'est pas encore exprimé sur le sujet, le Kremlin soulignant qu'il appartenait au gouvernement de régler la crise. La situation du rouble promet de largement dominer la grande conférence annuelle du président jeudi, un exercice pendant lequel il jongle pendant plusieurs heures avec les questions des centaines de journalistes russes et étrangers présents.

Le Kremlin a laissé pointer un certain agacement mercredi face au gouvernement qui a «enfin pris le problème au sérieux», selon le conseiller économique Andreï Belooussov. «Seules des actions coordonnées peuvent avoir un effet», a-t-il souligné.

Après avoir conseillé aux ménages la patience, le gouvernement a tenu mardi une réunion d'urgence et a défini des mesures destinées à assurer la stabilité financière, en jouant sur les liquidités disponibles dans le système financier, et à soutenir le secteur bancaire mis à rude épreuve.

Le premier ministre Dmitri Medvedev réunit une nouvelle fois mercredi ses ministres du secteur économique avec les grands groupes exportateurs, à la tête d'importantes sommes en devises.

Mercredi, le ministère des Finances a annoncé qu'il lançait la vente des devises à sa disposition, jugeant le rouble «extrêmement sous-évalué».

Après cette annonce, le rouble a bondi avant de fluctuer autour du niveau d'équilibre et valait vers 5h00 (heure de Montréal) 85,40 roubles pour un euro, contre 85,15 roubles mardi soir, et 68,45 roubles pour un dollar contre 67,88 roubles. L'indice boursier RTS montait de 4,97% après avoir chuté de plus de 10% deux jours de suite.

Les prix augmentent

Le gouvernement était pressé d'agir alors que la banque centrale semblait se débattre sans grand succès face à une crise aux origines en grande partie politique. Même sa radicale hausse de taux (17% contre 10,5%) dans la nuit de lundi à mardi n'a pas suffi à convaincre le marché qu'elle ne permettrait pas au rouble de tomber davantage.

Avec ses ventes de devises, le ministère des Finances se joint aussi aux interventions de la banque centrale, qui a dépensé plus de dix milliards de dollars depuis le début du mois pour défendre le rouble et apaiser des marchés en pleine panique. Elle n'a cependant pas augmenté le niveau de ses interventions lundi, pourtant la pire journée pour le rouble en quinze ans.

«La banque centrale semble vouloir préserver ses réserves et donc permettre à la monnaie de se stabiliser naturellement dans une certaine fourchette», ont relevé les analystes de la banque russe Alfa.

Les Russes se sont rendus en masse dans les bureaux de changes pour convertir leurs roubles en devises étrangères, accentuant le sentiment de panique.

D'autres se sont rués vers les magasins pour acheter des produits, surtout importés, dont les prix promettent de flamber. Face à l'afflux des commandes et aux fluctuations du taux de changes, Apple a préféré suspendre ses ventes en ligne dans le pays.

Et pour la deuxième fois en un mois, les prix des billets d'avion ont été augmentés (14%), ainsi que ceux du constructeur automobile Nissan (3% à 5%).

«Outre le renchérissement des produits importés qui pénalise le pouvoir d'achat des ménages et alimente des pressions inflationnistes déjà intenses, la chute du rouble met à mal les entreprises russes endettées en devises étrangères», ont prévenu les économistes de la société financière CMC-CIC Securities.