L'année 2014 se termine sur une note plutôt déprimante pour les travailleurs du monde industrialisé. Et pour cause.

Les salaires dans les économies développées, incluant les États-Unis, le Canada et l'Europe de l'Ouest, ont essentiellement stagné en 2013 (+0,2%), révèle le rapport annuel de l'Organisation internationale du travail (OIT), confirmant ainsi ce que beaucoup de travailleurs ont constaté sur leur chèque de paye.

À l'échelle planétaire, les salaires moyens en termes «réels» (en soustrayant l'inflation) grimpent 10 fois plus vite - avec un bond de 2% l'an dernier. Preuve qu'il existe un fossé entre les économies développées et les pays émergents à ce chapitre.

En Asie, par exemple, la rémunération des travailleurs a bondi de 6% l'an dernier, signe d'un enrichissement bien réel de la population et du rattrapage salarial en cours dans cette région.

Avec une croissance de 7,3% en 2013 et de 9% en 2012, la Chine gonfle la moyenne globale. De fait, sans l'Empire du Milieu, les salaires réels n'auraient augmenté que de 1% dans le monde, relève l'OIT.

Réduire les coûts, hausser les profits

Faut-il encore une fois blâmer les économies émergentes, dont la concurrence féroce oblige les employeurs occidentaux à restreindre (ou à réduire) les conditions de travail?

L'OIT, un organisme de l'Organisation des Nations unies, évite de trancher ce débat complexe. Une chose est certaine cependant: les travailleurs des pays développés en font plus qu'avant, ou du moins ils le font mieux... sans que leurs efforts soient récompensés.

C'est du moins ce qu'on découvre en fouillant le rapport. Ainsi, la productivité du travail dans les pays développés «a dépassé celle des salaires réels entre 1999 et 2013», selon l'OIT. En économie, la productivité est définie comme le rapport, en volume, entre une production et les ressources mises en oeuvre pour l'obtenir.

Ce décalage est d'ailleurs considérable: l'indice des salaires réels n'a progressé que de 0,4% durant cette période alors que la productivité augmentait de 5,4%, soit environ 13 fois plus rapidement.

Autrement dit, les travailleurs sont moins bien rémunérés pour le travail additionnel accompli. Sans compter qu'ils bénéficient d'une part plus petite de la croissance économique, déplore l'OIT.

Profits non réinvestis

À cet égard, l'organisme s'inquiète de l'utilisation des profits des entreprises, qui grimpent mais qui ne sont plus réinvestis au même rythme qu'auparavant. «Ces profits que les entreprises conservent sans rien en faire» freinent l'économie mondiale, déplore Sandra Polaski, directrice adjointe de l'OIT.

Dans certains cas - notamment l'Espagne, l'Italie et le Japon -, les salaires réels en 2013 étaient inférieurs à leur niveau de 2007. Le Canada affiche une croissance des salaires proche de la moyenne des pays industrialisés, indiquent les données de l'OIT.

Alors, comment fait-on pour améliorer le sort des travailleurs du monde développé?

Par la mise en place d'un impôt progressif, de transferts vers les ménages défavorisés, de négociations collectives et d'un salaire minimum acceptable, dit l'OIT. Mais ces instruments ne seront efficaces qu'à une condition: en offrant «un emploi productif» et «correctement rémunéré», dit l'organisme.

Dans les pays industrialisés, les inégalités continuent de progresser, menaçant leur économie fondée sur une classe moyenne en bonne santé. C'est ce qui ressort d'une nouvelle étude de l'OCDE, pour qui le fossé entre riches et pauvres n'a jamais été aussi grand.

L'aggravation des inégalités est révélée par le coefficient de Gini - un indicateur dont la valeur s'échelonne de «0», en cas d'égalité parfaite de revenu, à «1» si tout le revenu d'un pays allait à un seul individu.

Dans les pays de l'OCDE, le coefficient était de 0,29 au milieu des années 80. Il a augmenté à 0,32 en 2011-2012. Autrement dit, la richesse est moins bien répartie qu'il y a 30 ans.

Sa progression a été particulièrement forte (plus de 0,05 point) aux États-Unis, en Israël et en Nouvelle-Zélande. Le Canada, pour sa part, suit essentiellement la moyenne de l'OCDE.

Le problème, c'est que les inégalités ne touchent pas seulement la classe moyenne. Elles ont «une incidence négative, statistiquement significative, sur la croissance à moyen terme», soutient l'OCDE. En clair, les inégalités nuisent à l'économie mondiale.

D'après ses calculs, 0,3 point de Gini en plus ferait perdre 0,35 point de croissance par an sur 25 ans. Soit une perte cumulée de 8,5%.