La Grèce et ses marchés, avec une Bourse en baisse de 11%, étaient désorientés mardi au lendemain de l'annonce d'un vote anticipé dès la semaine prochaine pour l'élection présidentielle, les marchés réagissant violemment à la baisse devant le risque d'un détricotage désordonné des réformes chèrement payées par la population ces dernières années.

Vers 14h00 (7h00 à Montréal), l'indice général de la Bourse d'Athènes cédait 11,16% à 919,52 points. «Les discussions électorales ont toujours été mauvaises pour les marchés», relativisait toutefois à l'antenne de la radio To Vima le chef de la Confédération du commerce grec, Vassilis Korkidis.

Au cours d'une brève allocution à la mi-journée, le premier ministre Antonis Samaras a annoncé le nom du candidat proposé par le gouvernement à ce poste honorifique, pour succéder à Carolos Papoulias : Stavros Dimas, 73 ans, un membre de son parti Nouvelle Démocratie (conservateur), ancien commissaire européen à l'Emploi puis à l'Environnement dans les années 2000 et bref ministre des Affaires étrangères de novembre 2011 à mai 2012.

«Stavros Dimas est une personnalité qui unifie mais aussi inspire. Unifie les citoyens au-delà des préférences partisanes et inspire le sérieux, la confiance et le respect», a assuré M. Samaras, ajoutant : «avec l'élection du nouveau président, la Grèce, stable dorénavant économiquement et politiquement (...) sera prête à entrer dans l'ère de l'après-mémorandums» (politiques d'austérité, NDLR).

En Grèce, ce sont les députés qui votent pour la présidentielle, sur le nom du candidat proposé par le gouvernement. Les trois tours, attendus en février, auront finalement lieu les 17, 22 et 29 décembre.

Aux deux premiers tours, le candidat doit réunir deux tiers des 300 députés pour être élu. Au troisième tour, la majorité requise tombe à trois cinquièmes. Mais cette majorité de 180 députés est encore très élevée pour un gouvernement de coalition droite-socialistes qui, dimanche encore, sur le vote du budget, n'a rassemblé que 155 voix.

Les analystes de Citi jugeaient déjà «très improbable que le gouvernement actuel parvienne à réunir ce niveau de soutien».

Retour de bâton?

Si la désignation par le Parlement échoue, il faudra aller aux législatives anticipées durant l'hiver.

Or le gouvernement de coalition droite-socialiste d'Antonis Samaras, qui a mis en place depuis 2012, sous l'égide de la troïka (BCE, UE et FMI), toutes les réformes souhaitées par ces créanciers en échange de 240 milliards d'euros de prêts, est détesté par une partie du pays pour cela, et le parti de la Gauche radicale anti-austérité Syriza est en tête des sondages.

Syriza a adouci son discours ces dernières semaines, avec notamment une visite de plusieurs responsables aux banquiers de la City de Londres, mais les marchés sont inquiets d'un possible abandon des réformes économiques.

«Un accident en Grèce est toujours un risque potentiel, le risque d'un retour de bâton politique et d'un renversement des réformes est très réel pour l'instant», indiquaient dans une note les analystes de la banque Berenberg.

D'autant que le budget voté dimanche l'a déjà été sans l'accord de la troïka qui a jugé les mesures insuffisantes.

L'annonce-surprise, vue par beaucoup d'analystes en Grèce comme un coup de poker pour M. Samaras, arrive pile au moment où le pays a négocié avec le reste de la zone euro une extension de deux mois de son plan de soutien, qui devait s'achever fin décembre, date-butoir rendue improbable par la poursuite de discussions acharnées entre le pays et la troïka.

Celle-ci considère notamment comme exagérément optimistes les prévisions d'une croissance de 2,9% en 2015, et d'un déficit public de 0,2%.

Le désaccord sur le budget fait actuellement peser le doute même sur le versement des derniers 1,8 milliard d'euros promis par l'UE au pays.

«Si Samaras parvient à lever l'incertitude politique en décembre, les perspectives pour l'économie grecque s'amélioreraient en 2015», espérait cependant Berenberg.

Car la très mauvaise réaction des marchés pourrait également être un atout pour M. Samaras, qui s'est déjà servi en octobre d'un hoquet du marché pour accuser Syriza de risquer la «déstabilisation» du pays.