C'était un casse-tête pour les banques: la police a annoncé avoir mis fin à une escroquerie aux cartes bancaires inédite et imparable en France, qui nécessitait la complicité de commerçants et qui aurait pu faire tache d'huile.

Vous prenez un taxi, payez la course par carte bancaire et on vous remet en échange le reçu de la transaction. Vous pouvez dormir tranquille. Pas sûr: vos comptes ont peut-être été pillés de l'étranger par des aigrefins ayant mis au point un ingénieux système face auquel les banques se sont arraché les cheveux, ne sachant pas comment ils faisaient.

Après un an d'enquête, la Direction centrale de la police judiciaire (DCPJ) a mis fin à cette escroquerie présumée qualifiée «d'inédite» en France par la patronne de l'OCLTIC, l'Office anti-cybercriminalité installé à Nanterre (Hauts-de-Seine).

«L'idée était assez simple, mais il fallait y penser et la monter», a raconté vendredi Valérie Maldonado à la presse au milieu des documents saisis en pagaille lors des interpellations de quinze suspects pour «piratage» et «escroquerie en bande organisée». Dix d'entre eux ont été écroués jeudi.

Au départ, il y a un terminal de paiement électronique (TPE), sur lequel on tape son code bancaire. Il est trafiqué pour enregistrer à la fois les données et le code de la carte bancaire. Mais on n'y voit que du feu car il y a le fameux reçu prouvant que l'achat a été effectué... mais jamais débité.

Le commerçant était de mèche avec le réseau qui n'avait plus ensuite qu'à réencoder les données sur d'autres cartes. Puis filer à l'étranger - Thaïlande et États-Unis dans cette affaire -  pour débiter les comptes des victimes.

L'inventeur du TPE magique 

«Personne ne comprenait ce qui se passait quand les victimes s'apercevaient des débits», a expliqué Mme Maldonado. Et surtout pas les banques qui ont pourtant des filtres et des moyens de tracer les escroqueries de ce type habituellement.

Nous avons travaillé de notre propre initiative «sur un an, patiemment, en déroulant tous les fils», a dit la commissaire, qui a décidé de «''taper'' l'équipe avant que cela ne fasse tache d'huile en France».

Dans ses filets, la PJ a attrapé le cerveau présumé, un homme d'une cinquantaine d'années qui avait toujours fait dans l'escroquerie sans n'avoir jamais été pris sur le fait. L'inventeur du TPE magique. De petits commerçants complices et une bande de jeunes gens issus de cités sensibles de la région parisienne étaient employés à voyager pour débiter les comptes, menant grand train de vie lors des déplacements à l'étranger.

La bande, selon les enquêteurs, avait apparemment commencé par le «skimming», cette classique escroquerie consistant à piéger les distributeurs de billets de banque (DAB) pour avoir les données des cartes. Puis elle est passée à la vitesse supérieure, plus discrète et «totalement nouvelle».

«Il y a des expertises en cours afin de déterminer le nombre exact de victimes et le préjudice», selon eux. Ils estiment les premières à des centaines. Pour ce qui est des gains, a dit un enquêteur, «quand on sait qu'un numéro de CB volée, c'est 500 euros en moyenne à chaque fois, cela pourrait avoisiner plusieurs centaines de milliers d'euros».

Les policiers auraient bien aimé également mettre en garde les victimes en cas de récidive. Mais comment? «Il faut bien et vite vérifier ses comptes», dit-on à l'office spécialisé. C'est d'ailleurs grâce aux reçus fictifs conservés par certaines victimes qu'il a pu remonter en partie jusqu'au réseau.