L'économie espagnole a confirmé sa reprise au troisième trimestre, une sortie de crise encore fragile dans un pays très appauvri et alors que la zone euro peine à avancer.

Le PIB a augmenté de 0,5% comparé au trimestre précédent, selon une première estimation publiée jeudi par l'Institut national de la statistique (Ine).

Il s'agit du cinquième trimestre de hausse consécutif et d'une bonne nouvelle pour la quatrième économie de la zone euro, qui a traversé une grave crise depuis l'explosion de la bulle immobilière en 2008.

L'économie espagnole, qui faisait encore partie il y a peu des vilains petits canards en Europe, «a réalisé un virage à 180 degrés», n'a pas manqué de souligner mercredi le chef du gouvernement conservateur Mariano Rajoy.

Cette croissance a cependant connu un «ralentissement minime» par rapport au deuxième trimestre, où elle était de 0,6%, note Josep Comajuncosa Ferrer, économiste à l'école de commerce Esade.

Il pourrait d'ailleurs être annonciateur de quelques nuages en 2015 car, si les entreprises espagnoles ont recommencé à investir et les ménages à consommer, sur fond de légère baisse du taux de chômage à 23,67% au troisième trimestre, les exportations ont aussi perdu de leur dynamisme.

La situation en zone euro, où se trouvent les principaux partenaires commerciaux de l'Espagne, n'est pas rose.

La première économie de la zone, l'Allemagne, vient de revoir en baisse ses prévisions de croissance à 1,2% pour 2014 et 1,3% en 2015, à cause de la crise en Ukraine et de la stagnation en Europe. La France est quasi au point mort avec une hausse attendue du PIB de 0,4% cette année et 1% l'an prochain et l'Italie est engluée dans la récession.

Hausse des inégalités

Le gouvernement espagnol table, lui, sur une croissance de 1,3% puis de 2%.

Si la prévision pour cette année semble en passe d'être atteinte, celle pour l'an prochain «est plutôt optimiste» avertit Josep Comajuncosa Ferrer. Sa réalisation dépendra de ce qui se passera dans les pays voisins et du succès des mesures de relance du crédit prises par la Banque centrale européenne (BCE), qui peinent pour l'instant à porter leurs fruits, explique l'économiste.

«L'économie espagnole n'est pas immunisée contre ce qui se passe en Europe», a reconnu le ministre de l'Économie Luis de Guindos jeudi.

Un autre danger provient du recul continu des prix à la consommation dans le pays. Ils ont encore baissé de 0,4% en octobre, pour le quatrième mois consécutif. «Nous traversons un épisode de déflation», avertit Josep Comajuncosa Ferrer.

Ceci pourrait entraîner un report des achats par les consommateurs dans l'espoir de nouvelles réductions de prix, puis par ricochet un repli de la production des entreprises et une baisse des salaires.

La reprise économique peine aussi à se traduire par une amélioration de la situation sur le plan de l'emploi. Le pays compte toujours 1,79 million de foyers dont tous les membres en âge de travailler sont sans travail et les emplois précaires se multiplient.

Si Madrid table sur une poursuite du recul du taux de chômage, il devrait encore s'élever à 24,2% à la fin de l'année et de 22,2% à fin 2015, soit un des niveaux les plus élevés des pays industrialisés.

La crise a aussi creusé les inégalités. «L'Espagne est le deuxième pays le plus inégalitaire de toute l'Union européenne (après la Lettonie, NDLR), c'est le pays où l'inégalité a le plus augmenté ces dernières années au sein de l'OCDE», a dénoncé jeudi le directeur général de l'ONG Oxfam en Espagne, José Maria Vera.

Les chiffres donnés par Oxfam parlent d'eux-mêmes: «Les trois personnes les plus riches détiennent autant que les 20% les plus pauvres», a souligné José Maria Vera.