La croissance économique de la Chine a fortement ralenti au troisième trimestre, glissant à son plus faible niveau depuis plus de cinq ans, selon un panel d'analystes, qui tablent sur des mesures de soutien plus musclées de la part de Pékin.

Sur les trois derniers mois (juillet-septembre), le produit intérieur brut (PIB) de la deuxième économie mondiale devrait avoir progressé de 7,2 % sur un an, selon la prévision médiane d'un panel de 17 économistes interrogés par l'AFP.

Selon eux, le chiffre officiel, qui sera publié mardi, devrait donc signaler un ralentissement par rapport à la croissance de 7,5 % au deuxième trimestre.

Il s'agirait de la plus faible performance de la Chine depuis le premier trimestre 2009 et le coeur de la crise financière.

Alors que le géant asiatique reste un moteur de l'économie mondiale, cette statistique serait de nature à alimenter la fébrilité des marchés financiers européens et américains après leur déroute panique de cette semaine.

L'économie chinoise est assombrie par le net refroidissement du marché immobilier --pilier du PIB--, et elle pâtit de la faiblesse de la demande en Europe, son premier partenaire commercial, tout comme de l'essoufflement de sa demande intérieure.

Face à cette conjoncture morose, «Pékin devra adopter des mesures (de relance) bien plus musclées s'il veut atteindre son objectif d'une croissance de 7,5 % en 2014», a observé Shen Lan, économiste de Standard Chartered.

Prudent, le premier ministre Li Keqiang a insisté sur le fait que l'objectif était d'«environ 7,5 %».

Mais le panel interrogé par l'AFP ne prévoit dans son ensemble qu'une croissance chinoise de 7,3 % cette année --contre +7,7 % en 2013--. Ce serait la plus faible depuis près d'un quart de siècle.

Or, certains hauts dirigeants chinois estiment qu'une croissance d'au moins 7 % est nécessaire pour maintenir de façon satisfaisante le marché de l'emploi --un souci capital aux yeux de Li.

Les appuis de la banque centrale

La croissance avait glissé à 7,4 % au premier trimestre, au plus bas depuis 18 mois, ce qui avait conduit Pékin à adopter au printemps des «coups de pouce» ciblés --réductions fiscales et assouplissements monétaires limités pour encourager les prêts aux petites entreprises.

Ce «mini-plan de relance» a fait long feu: après le sursaut du deuxième trimestre, les indicateurs se sont assombris durant l'été --la production industrielle ralentissant en août à son plus faible rythme de croissance depuis cinq ans.

De son côté, le brusque reflux de l'inflation en septembre a ravivé les craintes de tensions déflationnistes.

Pour autant, le chef économiste de la banque centrale (PBOC), Ma Jun, a rappelé début octobre que le gouvernement voulait éviter «tout plan de relance excessif», à l'instar des centaines de milliards de dollars injectés dans l'économie par Pékin en 2008.

Signe de sa vigilance, la PBOC n'en a pas moins abaissé récemment les taux de refinancement («repo») à 14 jours, et l'institution a injecté mi-septembre 500 milliards de yuans (63 milliards d'euros) dans les cinq plus grosses banques du pays --autant de moyens d'assouplir les conditions de crédit.

«Il se peut que l'on assiste d'ici la fin de l'année à de nouveaux assouplissements monétaires, mais ceux-ci continueront d'être ciblés et d'ampleur limitée», a observé Julian Evans-Pritchard, du cabinet Capital Economics.

Réformes vs croissance?

Par ailleurs, les autorités ne sont pas démunies: elles peuvent accroître les dépenses publiques dans des infrastructures considérées comme efficaces et réaliser de nouvelles baisses d'impôts, avançaient plusieurs analystes.

Et l'assouplissement des conditions d'obtention de prêts immobiliers, annoncé fin septembre, pourrait enrayer le repli des prix immobiliers.

«Mais une baisse des taux d'intérêt de la PBOC ou un abaissement général des taux de réserves obligatoires dans le secteur bancaire est exclu», tranche Tang Jianwei, analyste de l'établissement chinois Bank of Communications.

De fait, Pékin insiste toujours sur son intention de «poursuivre les réformes» pour «rééquilibrer» le modèle économique du pays, au détriment de pans d'activités peu rentables, en rognant les grands groupes publics et les surcapacités industrielles, et en endiguant les dettes publiques.

Dans ces conditions, «l'objectif officiel de croissance sera très probablement abaissé à environ 7,0 % en 2015», a souligné Wendy Chen, de la banque Nomura.

Pour elle, il s'agirait d'un «bon signal, montrant que le gouvernement est prêt à tolérer un ralentissement de la croissance à court terme, comme prix de ses réformes structurelles».