La Banque mondiale a accordé des bonus à au moins quatre de ses hauts dirigeants alors qu'elle est engagée dans un vaste plan d'économies, suscitant une forte polémique au sein de l'institution.

«Nous nous interrogeons sur l'opportunité de tels versements étant donné les sacrifices qui sont demandés au reste d'entre nous», a estimé l'association du personnel de la Banque mondiale (BM) dans un mémo interne obtenu mercredi par l'AFP.

Selon une source proche de l'institution, au moins quatre hauts dirigeants basés à Washington ont récemment reçu des «primes pour compétence exceptionnelle» au cours de l'année fiscale 2014.

Très impliqué dans la restructuration de cette institution de lutte contre la pauvreté, le directeur financier de la BM, le Français Bertrand Badré, a ainsi reçu 94 000 dollars de bonus pendant l'année fiscale 2014 s'ajoutant à un salaire annuel net de quelque 380 000 dollars, a confirmé à l'AFP le porte-parole de l'institution David Theis.

L'identité des autres bénéficiaires n'a pas été dévoilée. M. Badré n'a pu être joint par l'AFP.

«La Banque mondiale doit attirer et savoir retenir des dirigeants de haut calibre et nous étendons, à de rares occasions, des +primes pour compétence exceptionnelle+ à des postes très techniques ou cruciaux dans notre management», a plaidé M. Theis.

Selon ce porte-parole, M. Badré, ancien directeur financier de la Société Générale recruté en mars 2013, dispose d'une «profonde expérience dans quelques-unes des plus grandes institutions financières en Europe» et a, depuis son arrivée, contribué à «doubler» la force de frappe financière de la Banque mondiale.

Moment critique 

La révélation de ces bonus intervient à un moment critique pour la Banque mondiale, qui fait face sur le marché du crédit au développement à la concurrence des pays émergents (BRIC) et du secteur privé.

Sous l'impulsion de son président Jim Yong Kim, l'institution a engagé un vaste plan de réformes visant à doper ses ressources, à augmenter sa capacité de prêts, afin de parvenir à son objectif d'éradication de l'extrême pauvreté d'ici à 2030.

Mais cette vaste restructuration vise également à réduire les dépenses de 400 millions de dollars dans les trois prochaines années, sur un budget total de 5 milliards de dollars.

Des coupes ont déjà été opérées mais l'hypothèse de suppressions de postes n'est pas exclue, alimentant l'inquiétude des quelque 10 000 employés d'une institution qui fête ses soixante-dix ans cette année.

«A un moment d'insécurité sur l'emploi, de réduction des personnels et de cures d'austérité, nous exprimons notre perplexité face à l'aveuglement dont le président Kim et ses cadres dirigeants font preuve en distribuant des bonus», a estimé l'association de personnels dans son mémo.

La polémique a franchi les murs de l'institution qui organise, avec le FMI, son assemblée générale la semaine prochaine à Washington, et gagné la société civile.

«C'est une information très surprenante quand on sait que la Banque est en train de couper 400 millions de dollars dans son budget», a réagi Nicolas Mombrial, directeur de l'organisation de lutte contre la pauvreté Oxfam à Washington.

«Les bonus aux hauts dirigeants de la Banque et l'apparent trouble au sein du personnel soulignent à nouveau les doutes de la société civile sur l'efficacité de la stratégie du président» de la BM Jim Yong Kim, a estimé de son côté l'organisation non gouvernementale Bretton Woods Project, dans un courriel à l'AFP.

Signe du malaise croissant au sein de l'institution, un tract anonyme appelant à une grève jeudi a par ailleurs été diffusé à l'intérieur de la Banque mardi, a appris l'AFP de sources concordantes.

«Avez-vous le sentiment d'avoir accès à toutes les informations sur le processus de changement?», peut-on lire sur ce court fascicule appelant les personnels «à éteindre leurs ordinateurs» et à quitter leur bureau pendant quinze minutes jeudi matin pour protester contre le plan d'économies.

Contactée par l'AFP, la Banque mondiale s'est refusée à s'exprimer sur le sujet.