Les prix de l'immobilier ne cessent de monter en Angleterre. Si bien que Londres vient de supplanter Hong Kong à titre de ville la plus chère du monde, ce qui crée des tensions sociales dans la capitale britannique.

Cette histoire a suscité un tollé dans la population ces dernières semaines.

Au One Commercial Street, un nouvel immeuble résidentiel chic situé à la limite de la City et du quartier pauvre Whitechapel, à Londres, les résidants ont accès à un lobby digne d'un grand hôtel, avec luminaires design, planchers de marbre et canapés moelleux. Du moins, les résidants riches.

Car pour les moins fortunés, l'entrée est sur le côté de l'immeuble, loin des regards. Une porte toute simple - surnommée «la porte du pauvre» - donne accès à un ascenseur séparé. Direction: les appartements à bas prix, dont le loyer est très inférieur à la moyenne dans ce quartier cossu.

Une porte pour les riches, une autre pour les pauvres: c'est la dernière stratégie des promoteurs immobiliers dans la capitale britannique. Pour obtenir un permis de construire, ceux-ci ont dû inclure un certain nombre de logements à prix modiques pour les moins nantis. Mais pas question de mélanger les classes sociales...

Le One Commercial Street n'est pas un cas isolé: une dizaine d'immeubles du genre ont été recensés par la presse britannique. Ils constituent la dernière illustration du dérapage du marché immobilier londonien.

La plus chère du monde

L'envolée des prix de l'immobilier, qui se poursuit malgré les mesures prises par les autorités pour refroidir le marché, fait de Londres la ville la plus chère du monde.

Selon une nouvelle enquête de l'agence Savills, la capitale britannique vient de ravir à Hong Kong le titre de la ville la plus chère du monde sur le plan de l'hébergement. À Londres, l'ensemble des coûts d'occupation - pour les particuliers et les entreprises - a grimpé de 40% environ depuis 2008, selon Savills.

Or, la flambée des prix, auparavant concentrée à Londres, s'étend à l'ensemble du pays.

En juillet, ceux qui avaient les moyens d'acheter une maison quelque part en Angleterre ont dû débourser 272 000 livres sterling en moyenne (495 000$ CAN) pour devenir propriétaire, soit 12% de plus qu'il y a un an. Dans la capitale, une propriété coûte un peu plus de 500 000 livres (910 000$ CAN) en moyenne - un bond de 19,1% en 12 mois.

Certes, c'est une bonne nouvelle pour les proprios de longue date, mais le marché actuel est un cauchemar pour les nouveaux acheteurs et les moins nantis.

Près de 1 million de ménages au Royaume-Uni doivent consacrer plus de la moitié de leur revenu net (après impôt) au logement, selon la Resolution Foundation, un organisme voué aux questions budgétaires familiales. Du coup, il ne reste à ces propriétaires que 60 livres par semaine (109$ CAN) pour leurs autres dépenses.

Hausse des taux?

Comme dans d'autres mégapoles, l'immobilier londonien est porté en bonne partie par les riches investisseurs du monde entier qui spéculent. En 2013, plus de 1300 logements ont été vendus à Londres à plus de 5 millions de livres (9 millions de dollars canadiens), selon des études.

Or, l'attrait de Buckingham Palace ou du pont de Londres n'explique pas tout. L'économie est repartie au Royaume-Uni, le marché de l'emploi est dynamique et les taux d'intérêt sont au plancher. Donc, plusieurs facteurs propulsent le secteur immobilier, même si des données parues jeudi dernier laissent croire à un plafonnement des prix en septembre dans la capitale.

Pour le moment, on continue de parler de bulle immobilière dans la grande île. Le gouverneur de la Banque d'Angleterre (BoE), le Canadien Mark Carney, estimait récemment que «les risques les plus importants pour la stabilité financière concernent le marché immobilier».

La Banque a imposé cet été des restrictions sur les prêts hypothécaires. Mais ces mesures ne sont pas suffisantes. M. Carney, qui annoncera le taux directeur de la BoE jeudi, devra hausser les taux d'intérêt plus rapidement qu'il ne l'a promis, selon des experts, qui croient aussi qu'un tel geste comporte des risques.

La firme Halifax, une filiale du Lloyds Banking Group, prévient qu'une augmentation des 1% des taux hypothécaires forcerait 40% des propriétaires à Londres à réduire leur budget pour l'alimentation et leurs autres dépenses. Autrement dit, ça pourrait faire mal.

Cité par l'agence Bloomberg, Savills estime que les autorités britanniques n'ont pas d'autre choix. «La hausse extraordinaire des prix [des maisons] ne peut continuer... C'est insoutenable.»