Toute la semaine, Francis Vailles se penche sur la Finlande, une nation dont les parallèles avec le Québec sont frappants.

Quand les temps sont durs, que doivent faire les leaders pour obtenir l'adhésion de leurs troupes? Montrer l'exemple. C'est exactement ce qu'ont fait les ministres du gouvernement finlandais dans le contexte du redressement des finances publiques.

En 2012, les 12 ministres ont absorbé une réduction de leurs salaires de 5%, suivi d'un gel de quatre ans. Le ministre de l'Emploi et de l'Économie, Jan Vapaavuori, en sait quelque chose. Son salaire net a reculé de 10% si l'on tient compte, en plus, des récentes hausses d'impôt, m'explique-t-il dans son bureau de la rue Aleksanterinkatu, à deux pas de la magnifique cathédrale blanche de Helsinki.

Au Québec, les dirigeants politiques montrent-ils l'exemple? Acceptent-ils de renoncer aux primes ou aux conditions avantageuses de leur régime de retraite?

La crise a frappé fort dans ce petit pays semblable au Québec. Les deux secteurs porteurs de l'économie finlandaise - l'électronique (Nokia) et les pâtes et papier - se sont effondrés ces dernières années. À cela s'ajoute le recul des exportations dans l'Union européenne, où l'économie est moribonde, et les problèmes de la Russie, son principal voisin.

L'impact a été sévère. Cette année, le déficit de l'ensemble des administrations publiques finlandaises atteindra 4,9 milliards d'euros, soit presque 6,9 milliards de dollars canadiens. Il s'agit du sixième déficit d'affilée, qui équivaut à 2,4% du PIB, selon le FMI.

En comparaison, le déficit du Québec, si l'on englobait la part du déficit fédéral, équivaudrait à environ 2,0% du PIB. Ailleurs, il est de 1,5% en Suède, de 4% en France et de quelque 6% au Royaume-Uni.

Le recul des salaires des ministres finlandais rapporte très peu en regard des besoins du gouvernement. Les ministres gagnent 150 000 euros par année (211 000$) et une baisse de 5% pour tous équivaut à environ 130 000$ par année. Mais ce geste envoie un signal fort à la population.

En particulier, les travailleurs finlandais, du public et du privé, ont ainsi mieux accepté leurs propres faibles hausses de salaires, négociés par un syndicat central. Les Finlandais sont au milieu d'une convention collective de trois ans qui leur a accordé des hausses de 0,5% par année.

«Durant les belles années, les hausses avaient été supérieures à celle de nos pairs, une des raisons de nos difficultés», explique M. Vapaavuori.

Moitié impôts, moitié compressions

Pour redresser les finances publiques, en Finlande, les élus se sont entendus pour aller chercher les fonds autant par des compressions que par des hausses d'impôts. «Dans ma philosophie, une hausse d'impôt est plus dommageable à l'économie, mais bon, nous avons fait un compromis», dit-il.

Ce genre de compromis est l'une des forces de la Finlande. Ils obligent les patrons à lâcher du lest et les syndicats à faire preuve de pragmatisme. Cette cohésion réduit de beaucoup les conflits de travail, même s'il faut admettre que les Finlandais, plutôt réservés, sont peu enclins aux manifestations.

Le système parlementaire incite également aux compromis. Le gouvernement est formé de ministres de divers horizons. Ainsi, bien que le premier ministre Alexander Stubb et le ministre de l'Économie Jan Vapaavuori soient du Parti de la coalition nationale (conservateur), le ministre des Finances, Antti Rinne, est social-démocrate.

Depuis trois ans, le taux d'imposition maximum des revenus des particuliers a grimpé progressivement de 2,75 points de pourcentage. Il est passé de 51,5% en 2012 à 54,25% en 2014, selon des données de l'OCDE. Ce taux inclut certaines cotisations sociales. En les excluant, le taux était de 51,1% en 2013, contre 50% au Québec (fédéral-provincial combiné).

«La population est divisée. Les gens à droite estiment qu'on a trop augmenté les impôts, tandis que les partisans de la gauche jugent qu'on réduit trop les dépenses. Mais dans l'ensemble, tout le monde est touché», dit le ministre.

Du côté des dépenses, le gouvernement central a notamment diminué ses transferts aux administrations locales, qui gèrent la santé et l'éducation, en bonne partie. Pour faire face à ces compressions, ces grosses municipalités fusionnent des écoles et abolissent des postes d'assistants professeurs pour les élèves en difficulté, entre autres. Le gouvernement central a également réduit les prestations pour enfants, au grand désarroi de la gauche.

L'objectif du gouvernement n'est pas d'éliminer le déficit annuel, mais de faire en sorte que ce déficit ne fasse pas augmenter la dette plus vite que la croissance économique.

Cette dette brute équivaudra à 60% du PIB en 2014, le seuil maximum théoriquement permis dans l'union. Avec les déficits des dernières années, la dette a augmenté rapidement en proportion du PIB. Les autorités finlandaises estiment toutefois que ce rapport dette-PIB se stabilisera en 2017, malgré un petit déficit, grâce à la croissance du PIB.

À l'origine, cette stabilisation devait être atteinte en 2015, mais la crise européenne est pire que prévu. Qui plus est, la Finlande souffre des problèmes économiques et politiques de la Russie. Le ralentissement du pays voisin a fait chuter la devise russe et nuit au tourisme russe en Finlande, de même qu'aux exportations finlandaises dans ce pays. C'est sans compter les sanctions qui découlent des événements en Ukraine.

Moins de dettes

La Finlande, heureusement, a une dette somme toute beaucoup plus faible qu'ailleurs, ce qui lui permet de conserver la deuxième meilleure cote de crédit possible, soit AAA (avec perspectives négatives). Au Québec, la cote est de A+, quatre rangs de moins sur 16.

À moyen terme, la Finlande devra diversifier son économie et stimuler l'entrepreneuriat. Les intervenants ont identifié trois secteurs porteurs: la bioéconomie, les technologies propres et l'économie numérique. Pour aider les entreprises, le gouvernement a abaissé le taux d'imposition sur leurs profits, qui passera à 20% cette année.

Enfin, les Finlandais devront trouver une solution au problème du vieillissement de la population. Augmenter l'âge de la retraite et accepter davantage d'immigrants sont les deux options.

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Comparaison Québec Finlande: les finances publiques

Finlande Québec Canada États-Unis OCDE

Déficit en % du PIB (2013) 2,4% 2,0% 3,0% 7,3% n.d.

Dette publique brute en % du PIB (2013) 57% 100% 89% 105% n.d.

Dépenses publiques en % du PIB (2011) 55% 50% 44% 42% 45%

Impôts des sociétés en % du PIB (2011) 2,7% 5,1% 3,8% 2,3% 3,6%

Impôts des particuliers en % du PIB (2011)12,8% 12,9% 10,9% 8,9% 8,5%

Cotisations sociales en % du PIB (2011) 12,6% 5,5% 4,6% 5,5% 9,1%

Recettes fiscales en % du PIB (2011) 44% 36% 30% 24% 34%

Note : les pourcentages englobent les données de l'ensemble des administrations publiques de chaque pays ou région (fédéral, provincial et local). Pour le déficit et la dette, nous avons fait nous-mêmes une estimation pour le Québec en englobant la part fédérale.

Sources : FMI, La Presse, CRFFP de l'Université de Sherbrooke, OCDE, ISQ et Statistique Canada